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Les livres de l'Université Populaire d'Évreux


 Kant et la morale

 

Plan de la conférence du vendredi 13 novembre 2009

Introduction :
Comment rendre la morale incontestable, c’est à dire reconnaissable toujours et partout ? Cette morale universelle a-t-elle un sens ou bien n’existe-t-il qu’une diversité de coutumes selon les différentes cultures ? Kant, philosophe des Lumières, se propose de fonder la morale dans la raison commune à tous les hommes et de la rendre ainsi universelle et incontestable.

Pour mieux comprendre la pensée de Kant, nous orienterons notre reflexion autour de trois questions qui en constitueront les parties :

I Comment démontrer que la morale se fonde universellement dans la raison ?

II L’immoralité ne remet-elle pas en cause le sens de la morale ? La morale n’est-elle pas un idéal au dessus des forces humaines ?

III En quoi la morale nous conduit-elle à comprendre ce qu’est une personne dans sa dignité et le respect qu’on lui doit ?


I Comment démontrer que la morale se fonde universellement dans la raison ?

- A. Le fondement de la morale : la morale n’a pas son origine dans des sentiments naturels ou dans une religion révélée ou dans une culture particulière ; elle se fonde universellement dans la raison

- B. La morale prend la forme d’une loi reposant sur des principes : la raison me rend capable de me mettre à la place de tout homme selon une loi universelle. La morale repose sur des principes me disant comment je dois agir et non ce que je peux faire dans telle situation particulière.



II L’immoralité ne remet-elle pas en cause le sens de la morale ? La morale n’est-elle pas un idéal au dessus des forces humaines ?

- A. Le devoir : la morale n’est pas d’accepter la réalité telle qu’elle est mais de tenter sa transformation selon un idéal. Elle a donc la difficulté d’être un devoir.

- B. Les confusions morales : la conduite morale ne doit pas être confondue avec la recherche du succès ou du bonheur.

III En quoi la morale nous conduit-elle à comprendre ce qu’est une personne dans sa dignité et le respect qu’on lui doit ?

- A. Le respect et la dignité : le respect est la reconnaissance de la personne dans sa liberté ;la dignité de la personne est l’expression de sa liberté : sa capacité d’autonomie. Une personne est un être raisonnable et libre qui ne doit jamais être seulement considéré comme une chose

- B.Toutes les personnes sont dignes de respect : même celles qui ne sont pas estimables

- C. On se doit le respect à soi même.
Conclusion :
Les limites de la pensée de Kant : une pensée humaniste qui ne peut penser un mal absolu

Petite bibliographie des œuvres citées et principales citations de la conférence:


- Les Fondements de la Métaphysique des Mœurs (1785) :

« Lorsqu’il s’agit de ce qui doit être moralement bon, ce n’est pas assez qu’il y ait conformité à la loi morale, il faut encore que ce soit pour la loi morale que la chose se fasse »

« Ce qui fait que la bonne volonté est telle, ce ne sont pas ses œuvres ou ses succès, ce n’est pas son aptitude à atteindre tel ou tel but, c’est seulement le vouloir ; c’est à dire que c’est en soi qu’elle est bonne »

« Je dois toujours me conduire de telle sorte que je puisse aussi vouloir que ma maxime devienne une loi universelle »

« Agis comme si la maxime de ton action devait être érigée par ta volonté en loi universelle de la nature »

« Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre en même temps comme une fin et jamais simplement comme un moyen »


- La Critique de La Raison Pratique (1788) :

« Devoir, toi qui ne renfermes en toi rien d’agréable »

« Deux choses remplissent le cœur d’une admiration et d’une vénération toujours nouvelles et toujours croissantes, à mesure que la reflexion s’y attache et s’y applique : le ciel étoilé au dessus de moi et la loi morale en moi »


- Sur L’Expression Courante : il se peut que ce soit juste en théorie mais en pratique cela ne vaut rien (1793)

- Sur un Prétendu Droit de Mentir par Humanité (1797)

Texte de la conférence


Qu’est-ce que la morale ? Cela paraît évident mais quand nous y réfléchissons, nous nous apercevons d’un désaccord entre les hommes. Ce qui est moral pour les uns ne peut-il être jugé immoral par les autres ? Mais alors comment respecter la morale si elle est variable selon les lieux, les époques, les personnes ? La morale n’est-elle que le convenable, c’est à dire l’ensemble des coutumes propre à une culture ? Que peut-il y avoir de commun à la manière dont un Européen et un Chinois se représentent la morale? Le mot de « morale » a-t-il lui même un sens en chinois ?

Kant est un philosophe des Lumières, de l’Aufklärung : ce terme est l’équivalent allemand du mot français : il veut dire : éclairer par la raison en expliquant. Quel rapport existe-t-il entre les lumières de la raison et la morale ? Kant souhaite renforcer la morale et la rendre incontestable : elle doit être reconnue de manière universelle et nécessaire : toujours et partout, ou bien elle se fragilise. Ne serait-ce pas la raison qui pourrait servir de fondement à la morale ? En effet, la raison n’est-elle pas ce qui est commun à tous les hommes à la condition qu’ils l’écoutent ?

La question est donc la suivante : y a t-il une morale universelle fondée dans la raison humaine ou bien n’y a t-il qu’une diversité de coutumes variables selon les cultures ? Il faut à présent saisir les enjeux de cette question , ce qu’on gagne ou ce qu’on perd à défendre ou pas la pensée de Kant : s’il existe une morale universelle, je peux condamner ce qui me paraît immoral dans une autre culture ; s’il n’existe que des coutumes différentes, je dois accepter ce qui me paraît criminel dans une autre culture. A l’inverse, si je m’oppose à Kant et si je pense qu’il existe plusieurs morales, c’est à dire, des cultures différentes, cela me rend tolérant, mais peut-on tout tolérer ? Tout est –il acceptable ? Qu’est ce que la tolérance ? La tolérance ne s’inscrit-elle pas dans les limites d’une morale universelle ?Mais comment pouvons nous défendre une morale universelle sans la confondre avec nos propres coutumes ?La morale telle que la conçoit Kant ne serait-elle pas enfermée dans la vision d’un monde occidental et moderne ?

Afin d’approfondir notre propos, nous nous poserons trois grandes questions qui serviront à nous orienter dans notre reflexion : tout d’abord, comment fonder la morale dans la raison ? En effet, quelle relation établir entre cette faculté abstraite et le souci d’autrui ? Ne peut-on se contenter de bons sentiments ? Deuxièmement, si l’on parvient à fonder une morale universelle, pourquoi n’est-elle pas suivie ou autrement dit, l’immoralité des conduites remet-elle en question le sens de la morale comme celui d’une conduite impossible à suivre ? Troisièmement, quelles conséquences la morale a-t-elle sur la manière dont nous nous représentons la personne humaine ou autrement dit, peut-on penser la dignité des personnes et le respect qu’on leur doit sans représentation claire de la morale ?


L’objectif de Kant est de fonder la morale dans la raison afin de la rendre incontestable : c’est à dire universelle et nécessaire : reconnaissable toujours et partout par tout homme. Selon Kant lorsqu’un homme rentre à l’intérieur de lui même, quelque soit ensuite sa conduite, il ne peut pas ne pas reconnaître la loi morale : elle est gravée à l’intérieur de lui. De même qu’il suffit l’été, dans un ciel nocturne sans nuages, de lever les yeux pour admirer les étoiles, il suffit de rentrer à l’intérieur de soi , pour admirer la conscience que nous avons de la loi morale. Dans la conclusion de La critique de La Raison Pratique, Kant écrit : « Deux choses remplissent le cœur d’une admiration et d’une vénération toujours nouvelles et toujours croisantes, à mesure que la réflexion s’y attache et s’y applique : le ciel étoilé au dessus de moi et la loi morale en moi ». Pas de doute, la morale m’apparaît aussi claire que les étoiles. Pas de ténèbres, de tâtonnement, de conjectures, c’est clair.

Si la morale est si claire, pourquoi paraît-elle si obscure à certains ? La morale est claire lorsque chacun la cherche dans sa raison. Mais certains l’obscurcissent en la cherchant dans leurs sentiments. Mais rien de plus variable, de plus fragile que les sentiments. Notre sensibilité nous vient de la nature : elle nous donne spontanément deux sentiments : l’amour de soi qui nous conduit à préserver notre vie, et la pitié qui nous conduit à préserver notre espèce : naturellement, nous ne sommes pas portés à faire du mal, à moins d’être en état de légitime défense. Mais comme Rousseau l’avait expliqué dans Le Discours sur L’origine de

L’Inégalité, le sentiment de pitié est imparfait puisqu’il ne conduit pas à sacrifier sa vie pour autrui : il rend incapable de préférer l’autre à soi même. La sensibilité n’est d’ailleurs pas identique chez chacun, certains ont le cœur tendre, d’autres pas. Et les sentiments nous inclinent à nous préoccuper de ceux qui nous touchent de près, de ceux que nous aimons. Mais la morale n’exige t-elle pas de se soucier d’un inconnu, d’une personne antipathique, de ceux que nous n’aimons pas ? La morale n’est pas une conduit sensible parce qu’elle n’est pas naturelle.

Mais la morale n’est-elle pas liée à la religion ? Mon souci de l’autre n’est-il pas l’amour du prochain recommandé par le christianisme ? Selon Kant, la diversité des religions est un obstacle à l’universalité de la morale. D’autre part, une morale religieuse repose sur la reconnaissance de l’existence d’une divinité, ce que nous ne pouvons pas connaître par la raison. Nous ne pouvons du point de vue de la connaissance, que nous en tenir à une position agnostique : nous ne savons pas s’il existe un Dieu ou pas. Il n’y a pas de preuves. Rien de plus dangereux que de vouloir dépasser les limites de la raison et de prétendre avoir des lumières surnaturelles : elles ne sont pas à la portée de tous et peuvent conduire au fanatisme : imposer à quelqu’un ce qui va à l’encontre de sa raison. Enfin, le propre d’une conduite morale n’est pas de céder à la peur d’une punition divine ou à l’intérêt d’une récompense ; la conduite morale est désintéressée et ne serait être conditionnée par le désir d’immortalité. Cependant Kant ne s’oppose pas à la religion chrétienne, ni à ses croyances, mais il leur donne un tout autre sens : ce n’est pas la religion qui conduit à la morale mais c’est la morale qui donne sens aux préceptes du christianisme.

La morale n’est donc enracinée ni dans les sentiments naturels ni dans la religion. Kant dira dans Les Fondements de La métaphysique des Mœurs qu’elle ne doit s’appuyer ni sur la terre, ni sur le ciel : elle est à l’intérieur de la raison humaine et manifeste l’autonomie de l’homme par rapport à la nature et à la divinité.

Mais toute morale, y compris celle que pense Kant, ne s’explique –t-elle pas par son origine culturelle, par son histoire ? Kant n’est-il pas prisonnier de sa culture humaniste du XVIIIième siècle européen ? La morale ne doit pas être réduite à son origine, ce qui prend sa source dans tel lieu, à telle époque, elle doit avoir un fondement : ce qui en rend raison indépendamment du temps et du lieu. Même si la morale telle que la conçoit Kant, naît avec lui, elle acquiert ensuite une portée universelle qui dépasse toutes les circonstances de sa naissance. Il ne s’agit pas de faire l’histoire de la morale , de rechercher son origine, il faut en démontrer rationnellement la nécessité. La morale doit être fondée ou elle n’est pas. Elle sera fondée dans la raison humaine parce que cette faculté est reconnue par tous les hommes comme leur appartenant.

Mais comment relier la faculté abstraite de raisonner et la capacité de se soucier d’autrui ?En quoi donner à manger à celui qui a faim, partager ce qu’on a, est-il un acte raisonnable ? Essayons de définir la morale en partant de ce qui nous vient tout d’abord à l’esprit : la morale n’est-elle pas la recherche de ce qui est bien ? Le bien est le respect de l’autre ; qu’est ce que cela signifie ?Ne pas se préférer à l’autre : le considérer autant que soi. Mais comment puis-je me mettre à la place de l’autre ? Il faut que je sorte de mon seul point de vue, de celui qui a envie de manger son repas indépendamment de la faim d’autrui. Mon sentiment m’enferme dans un seul point de vue et me rend égoïste : je ne sens que ma faim. C’est par un raisonnement que je me compare avec l’autre, que je refléchis à ce que souffrent les autres hommes. Je ne sens pas la faim de l’autre mais je la comprends. Etre moral, c’est être capable de sortir de son seul point de vue particulier sensible pour se mettre à la place de tout homme : par la raison, je m’élève à un point de vue universel, celui de l’humanité toute entière ; je ne me demande pas seulement ce qui est bon pour moi mais pour tous : j’ai à manger mais que se passe-t-il en Afrique ? Je n’entends pas leurs cris mais je pense à eux. La morale prend alors la forme d’une loi : la loi est le contraire de l’exception : c’est ce qui vaut pour tous. La loi morale me commande de me soucier de tout homme, quel qu’il soit, et non de mon seul désir ou de mes sentiments pour mes proches. La loi morale est ce qui me relie universellement à tous les hommes. Je n’ai pas à préférer ma famille à ma patrie et ma patrie à l’humanité mais au contraire, c’est en respectant l’humanité que je puis me conduire moralement. Nous pouvons donc définir la morale comme le respect universel de la personne humaine par la raison. Elle est universelle par son fondement : la raison ; par son but : toutes les personnes ; par sa forme : c’est une loi. On peut alors reconnaître avec clarté si une action est morale ou non :une action morale peut être conçue comme une loi universelle pour l’humanité : si je considère qu’il est juste de ne pas rendre l’argent qu’on me prête parce que j’en ai besoin, je comprends qu’on ne peut pas faire de cette conduite une règle universelle, car plus personne ne voudrait prêter d’argent, c’est contradictoire. Si je pense que les noirs doivent faire l’objet d’une ségrégation, je ne peux en faire une règle morale car aucun noir raisonnable ne donnera son accord. Ainsi Kant écrit dans Les Fondements de La Métaphysique des Mœurs : « Je dois toujours me conduire de telle sorte que je puisse aussi vouloir que ma maxime c(est à dire ma règle d’action) devienne une loi universelle » (Première section). La loi morale doit être aussi universelle qu’une loi physique de la nature comme la loi de la gravitation universelle ; Kant écrit dans Les Fondements de la Métaphysique des Mœurs : « Agis comme si la maxime de ton action devait être érigée par ta volonté en loi universelle de la nature » (deuxième section). La loi morale n’est pas naturelle mais universelle comme une loi naturelle.

On a reproché à la morale de kant d’être un forme vide et de ne pas nous aider dans les actions concrètes que nous avons à vivre. Ainsi, si je ne dois pas mentir, dois-je répondre à la gestapo qui cherche des enfants juifs cachés dans ma cave ? la morale de Kant serait constituée de grands principes universels parce que vides de contenu, étrangers à la complexité du réel. Dois-je être rigoriste et défendre la pureté de la loi morale , quelques soient les circonstances ?Dois-je ne jamais mentir ? Les Jésuites pratiquaient depuis longtemps la casuistique : la morale ne peut faire l’économie des cas particuliers : on peut s’accommoder avec la loi. Est-ce satisfaisant ? La question est posée par Benjamin Constant à l’époque de Kant : selon Benjamin Constant, on ne peut dire la vérité à un criminel poursuivant un innocent pour le tuer. Kant répond dans son article de 1797 : Sur un Prétendu Droit de Mentir par Humanité. Kant n’a pas pour but de nous dire ce que nous pouvons faire dans des circonstances concrètes afin d’éviter ce qui est nuisible. Il nous dit comment nous devons agir selon des principes pour faire ce qui est juste. Il ne faut pas confondre des principes avec des solutions toutes faites. Aujourd’hui nous parlons d’éthique plutôt que de morale : cela signifie que la loi morale doit être interrogée par chacun : ce n’est pas une recette ou un automatisme. Il ne suffit pas d’avoir bonne conscience ou d’avoir la conscience tranquille, il faut au contraire s’inquiéter de la manière dont nous allons vivre à la fois dans des circonstances concrètes et selon des principes. On ne peut échapper au cas de conscience mais il n’y a de cas de conscience que lorsqu’on a des principes. Autrement dit, des principes théoriques sans aucun rapport avec l’action concrète seraient insensés ; mais une pratique sans principes le serait autant. Celui qui veut agir moralement sans principes est semblable à quelqu’un qui ne sait où il va et qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez ; Kant parlera d’une « pseudo sagesse avec des yeux de taupe » dans son livre : Sur l’Expression Courante : il se peut que ce soit juste en théorie mais en pratique, cela ne vaut rien. Selon Kant, on ne peut séparer la pratique morale de la théorie des principes.

Dans une première partie, nous avons expliqué comment la morale pouvait être reconnue universellement parce que fondée sur la raison. Nous avons compris que nous pouvions reconnaître une action morale à l’universalité de son principe. Nous avons montré qu’il n’y a pas d’action morale sans références à des principes. Mais si la morale est aussi claire que le scintillement des étoiles, pourquoi n’est-elle pas suivie ?


Dans une seconde partie, nous souhaiterions réfléchir à ce paradoxe : la morale est clairement reconnaissable, de manière universelle , et pourtant il y a immoralité. Autrement dit, comment concilier la clarté des principes moraux et la conduite immorale des individus ? L’immoralité fait-elle perdre son sens à la morale ? La morale est-elle une conduite si exigente qu’elle est impossible à suivre ? Quel est alors son sens ?

Nous allons d’abord tenter de montrer que l’immoralité ne s’oppose pas à la morale car ce serait confondre les faits, ce qui existe, avec d’autre part l’idéal, ce qui doit être. La morale n’est pas ce qui existe dans les faits : elle est ce qui devrait être. Il existe des menteurs mais cela ne justifie pas le mensonge : en effet, on ne doit pas mentir. La morale n’a pas pour fonction de décrire une réalité mais elle a pour fonction de la juger, de l’évaluer par rapport à un idéal. C’est seulement ainsi qu’on peut s’évertuer à changer la réalité. Il ne faut pas accepter ce qui est mais rechercher ce qui devrait être. Les hommes ont toujours fait la guerre mais ils doivent vivre en paix. L’immoralité qui existe n’est donc pas une réfutation de la loi morale. Elle en montre au contraire la nécessité. Mais un idéal n’est-il pas une chimère ? Rêvons nous d’un autre monde et cherchons nous l’impossible ? Nous répondrons négativement à cette question car il dépend de nous d’avoir une conduite morale qui rejoigne la réalité : il suffit d’être raisonnable pour ne pas mentir ou chercher la paix. Chez un être purement raisonnable, il n’y aurait pas d’écart entre ce qu’il fait et ce qu’il doit faire.

Mais le problème n’est-il pas que l’homme n’est pas un être purement raisonnable ? En effet, reconnaît Kant. L’homme est à la fois un être de raison et un être de chair ; d’un côté, il se représente le bien universel de l’humanité ; de l’autre côté, il est limité par ses sentiments particuliers et la recherche de son intérêt. C’est pourquoi il est difficile d’être moral, on ne peut que s’approcher d’une telle conduite ; personne ne peut se vanter d’être parfaitement moral. Par conséquent, la morale se présente sous l’aspect rébarbatif du devoir : je ne peux me laisser aller à mes penchants naturels, à ma sensibilité, je dois écouter la raison. Ce qui importe n’est pas ce que je suis, ce que je ressens : ma fatigue, ma peur, ma paresse ; mais l’important est ce que je dois être : courageux, travailleur. Faire son devoir, ce qui est bien, n’est pas faire ce qui est agréable. La paresse est parfois plus agréable que le travail accompli. Kant s’exclame dans La Critique de La Raison Pratique : « Devoir, toi qui ne renfermes en toi rien d’agréable ». Cela ne signifie pas que le plaisir et la morale s’opposent. Cela signifie que parfois, ils le peuvent et qu’il faudra choisir entre le plaisir et le devoir. Le devoir est la subordination de mon intérêt particulier au bien universel de la loi morale. Cela exige tant d’efforts que j’aimerais échapper à mon devoir. Je pourrais bien, pour une fois, faire de moi une exception. Il ne faut pas voler mais pour une fois, j’ai tellement envie de telle chose et je suis si pauvre ; personne ne s’en apercevra. Mais que deviendrait une humanité dans laquelle chacun ferait de soi une exception ? Il n’y pas d’exception à la loi morale : elle est universelle ou elle n’est pas. Je dois me rappeler l’expression courante : « Et si tout le monde en faisait autant, qu’adviendrait-il ? ». Je dois accomplir mon devoir, faire passer mon interêt particulier après le bien universel de l’humanité. C’est être vertueux. Cela ne veut pas dire être saint. Les saints n’existent pas selon Kant qui est d’origine protestante. Dieu seul est saint, s’il existe. La vertu est l’effort constant que je fais pour suivre la loi morale.

Mais l’immoralité n’a pas pour seule cause l’égoïsme. Elle peut naître d’une mauvaise compréhension de la loi morale. Nous avons tendance à brouiller la loi morale en confondant la moralité avec d’autres conduites qui ne sont bonnes qu’en apparence : ainsi en va-t-il de la capacité de se conformer hypocritement à la loi morale sans en approuver intérieurement le sens, ou encore la confusion entre la recherche du succès et celle du bien : réussir est-il nécessairement le signe de l’honnêteté ? Ou encore nous confondons le bien et l’utile : cela te servira plus tard, dit-on à ses enfants ; mais cela servira à quoi ? Dans quel but ?

On peut éviter une première confusion en ne réduisant pas la moralité à la légalité. Etre moral n’est pas seulement se conformer extérieurement à la loi morale, c’est avoir l’intention, à l’intérieur de soi de la respecter parce qu’on en comprend le sens. Ce n’est pas avoir l’apparence extérieure de la moralité. Ce qui importe, c’est la bonne volonté et non l’apparence morale. Kant écrit dans Les Fondements de La Métaphysique des Mœurs : « Lorsqu’il s’agit de ce qui doit être moralement bon, ce n’est pas assez qu’il y ait conformité à la loi morale ; il faut encore que ce soit pour la loi morale que la chose se fasse »(Préface). Kant dans le même livre, prend l’exemple d’un commerçant ; il ne doit pas voler ses clients ; il établit un prix fixe pour tous ; même un enfant peut acheter chez lui. Mais ce commerçant ne recherche peut-être que son intérêt : garder sa clientèle. La différence entre l’action morale et celle qui ne l’est pas, c’est le désintéressement. On peut suivre la loi morale par calcul d’intérêt. Mais pourquoi condamner ce lien entre la loi morale et l’intérêt ? Lorsque la loi est contraire à mon intérêt, je cesse de la suivre. Je l’ai utilisée comme un simple moyen et non pour elle même. Dans un état de guerre civile, il est de mon intérêt, peut-être de faire du marché noir. Personne n’est absolument intègre : tous, nous mélangeons nos intérêts et la moralité ; c’est ce que Kant appelle l’impureté. Mais il faut seulement espérer que la moralité l’emporte cependant sur l’intérêt.

La seconde confusion est de croire que ce qui est bien est ce qui réussit. Cela marche, donc c’est bien. J’ai bien conduit ma vie puisque j’ai acquis richesse et pouvoir ; tout ce que j’entreprends me réussit. Mais le succès ne signifie pas que l’on a bien agi. Réussir, avoir du succès, c’est être efficace : c’est à dire trouver les moyens d’arriver à des résultats. C’est connaître la réalité de manière à savoir la maîtriser. Tout cela est habileté technique et non moralité. On peut être un homme de bien et finir sa vie dans la pauvreté. Ce ne sont pas les talents qui font l’honnête homme ; on peut mal utiliser ses capacités ou en avoir peu dans certains domaines et il existe des simples d’esprit, des maladroits incapables pourtant de mal faire. La moralité, c’est la bonne volonté, la bonne intention, même si cela ne marche pas ; l’échec n’est pas une faute si j’ai fait preuve de bonne volonté. C’est pourquoi tous les hommes sont égaux devant la morale car elle ne dépend que de leur volonté et non de la diversité de leurs talents. Kant écrit dans Les Fondements de la Métaphysique des Mœurs : « Ce qui fait que la bonne volonté est telle, ce ne sont pas ses œuvres ou ses succès, ce n’est pas son aptitude à atteindre tel ou tel but, c’est seulement le vouloir ; c’est à dire que c’est en soi qu’elle est bonne ». C’est en quoi la morale n’est pas le bonheur. Elle ne s’y oppose pas, ne le fuit pas mais elle n’est pas ce qui nous conduit au bonheur sur cette terre. Le bonheur exige de savoir s’intégrer dans la réalité telle qu’elle est afin de vivre en accord avec l’ordre des choses. C’est l’œuvre de la prudence. Mais la morale n’est pas plus prudence qu’habileté : elle peut nous conduire à agir contre notre intérêt et contre notre bonheur sur cette terre. Chercher ce qui nous réussit et ce qui nous rend heureux, ce serait mettre des conditions à notre action morale. Nous nous dirions : « si cela marche, si j’en tire profit, alors je le ferai ». Mais si cela n’est pas profitable ? Vais-je m’embarrasser de ma vieille grand mère sénile ou partir en vacances ? Il n’y a pas de « si » dans la morale, elle est sans condition : inconditionnée Il ne faut pas dire : « si je peux, alors… » mais : « je dois le faire donc je peux le faire ». La morale est un impératif : un commandement que Kant appelle catégorique. Enfin, ce qui est trompeur dans la recherche dde l’efficacité, c’est l’idée selon laquelle la fin justifie les moyens : puisque la fin est belle, tous les moyens sont permis ; il faut réussir à n’importe quel prix. C’est confondre obtenir des résultats en suivant l’ordre du monde tel qu’il est, et d’autre part, atteindre une fin morale en rupture avec l’ordre du monde. Utiliser la violence ou la guerre contre la violence et la guerre, ce n’est pas sortir de ce qui existe déjà. C’est provisoirement établir un rapport de force en notre faveur, avoir la victoire. Il faudrait au contraire utiliser la non violence contre la violence et un esprit de paix contre la guerre afin d’établir un état moral. Si j’utilise n’importe quel moyen efficace, je réussis mais je contribue à ce que rien ne change. Si je refuse d’utiliser des moyens contraires à la morale, je peux échouer à court terme mais je contribue à long terme à l’édification d’un nouveau monde. Je peux faire la guerre et obtenir la victoire mais il n’y a pas de guerre juste ni morale ; j’ai seulement fait la preuve de ma force.

La troisième confusion qui nous induit en erreur dans notre conduite morale est très répandue aujourd’hui : c’est la confusion entre le bien et l’utile. On entend sans cesse la même question : A quoi cela sert-il ? Nous voulons bien agir mais à condition que cela nous rapporte quleque chose. Nous ne choisissons pas nos actes pour eux mêmes mais parce qu’ils sont les moyens d’atteindre quelque chose. C’est ce qu’on appelle l’utilitarisme. Ce qui est inutile est jugé insensé et nous y renonçons. Mais le plus important dans la vie est peutêtre ce qui est inutile car un acte peut être inutile tout en ayant du sens. Précisément la moralité est inutile mais pleine de sens. A quoi cela sert-il de s’occuper des personnes handicapées ? Des personnes fragiles ? Ce sont des gens inutiles qui entravent l’intérêt de la société. Que produisent-ils ? Veiller sur la santé ou l’éducation des plus malades ou des moins doués sert-il à quelque chose ? Cela peut apparaître comme une perte de temps. Mais suivre la morale n’est pas se servir des personnes comme de moyens utiles afin d’en tirer profit. Les personnes ne sont pas des instruments. La moralité est un service comme par exemple le service public de la santé ou de l’éducation. C’est être désintéressé. Chaque personne est un but en elle même : une fin en soi, dit Kant. Je dois la respecter, elle n’est pas ce que j’utilise. Mais certains feront l’objection suivante : ne faut-il pas sacrifier certaines personnes pour en sauver d’autres ? Ne peut-on, comme dans la pièce de Camus appelée Les Justes, assassiner l’archiduc, accompagné ce jour là de ses trois enfants, en jetant une bombe sur sa voiture, afin de sauver les millions d’enfants russes affamés par un régime politique injuste ? La vie d’un enfant ne doit pas être considérée comme le moyen d’en sauver d’autres, car ce serait penser que cent enfants valent plus cher qu’un seul enfant. S’il est vrai qu’un kilo de pommes de terre vaut plus qu’une seule pomme de terre, cela ne vaut pas pour les personnes. Les personnes ne sont pas des marchandises à échanger. Une personne est absolument unique, irremplaçable, incomparable, sans prix. Que penserait la mère de famille à qui on dirait : vous avez plusieurs enfants, cela vaut celui qui est mort ? O u bien peut on dire à une veuve en larmes : un de perdu, dix de retrouvés ?

Dans une seconde partie, nous avons compris que l’immoralité existante ne remettait pas en cause l’idéal de la morale. Nous avons expliqué la difficulté d’accomplir son devoir. Nous avons ensuite montré que la morale ne doit pas être confondue avec la conformité à la morale, ou encore avec une recherche de l’efficace ou de l’utile. Nous en sommes venus à comprendre ce qui est au contre de la morale : la personne. Cette personne est digne de respect. Mais que signifie respecter une personne ?



Dans une troisième et dernière partie, nous allons réfléchir à la notion de respect et cela nous conduira à mieux comprendre ce que signifie être une personne.

Prenons un premier exemple : que veut dire respecter une femme ? Un homme qui respecte une femme ne pense pas qu’à lui, à son désir ; il ne l’agresse pas pour satisfaire son désir à lui ; il est capable d’une relation désintéressée avec elle. Il pense à elle avant de penser à lui : il se demande ce qu’elle désire, elle. Que veut-elle ? C’est la reconnaître comme un être libre et raisonnable capable de se donner les buts qui lui conviennent . Elle sait ce qu’elle veut ; il n’a rien à lui imposer. Prenons un second exemple : que veut dire , pour un patron, respecter un subalterne ? Cela signifie ne pas l’écraser de travail, ne pas le mal payer, ne pas l’exploiter : c’est à dire chercher son intérêt d’employé et pas seulement celui du patron. Là encore, il s’agit d’une relation désintéressée en partie : on s’interroge : Que veut cet employé ? Quels sont ses buts ? Il est reconnu comme pouvant librement rechercher d’autres buts que le profit de son patron au dépend de son propre salaire. Respecter quelqu’un, c’est ne jamais l’utiliser comme un simple moyen dans le seul but de satisfaire des intérêts allant à l’encontre de sa volonté. C’est le reconnaître comme libre de poursuivre ses propres buts. Respecter quelqu’un , c’est reconnaître sa liberté. Cela ne veut pas dire qu’on ne puisse employer quelqu’un comme moyen dans le sens d’utiliser ses capacités pour assurer un emploi ; on peut l’utiliser comme un moyen mais jamais seulement comme un moyen. Kant dit alors qu’il faut reconnaître la personne comme le but qu’on se donne, comme une fin : la considérer pour elle même en ne réduisant pas toute sa personne à l’intérêt que je peux en tirer. C’est ainsi que Kant écrit dans Les Fondements de la Métaphysique des Mœurs : « Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin et jamais seulement comme un moyen ». ( deuxième section). Le respect est la reconnaissance de la personne comme être libre.

Le respect moral des personnes ne conduit-il pas à interdire certains comportements et lesquels ? On ne peut pas considérer les personnes comme des choses ; ce serait nier leur liberté : on ne peut donc vouloir posséder une personne : sa femme, ses enfants, ses serviteurs ; on ne peut acheter, vendre, échanger des personnes contre un prix. La personne n’a pas de prix, elle a une valeur absolue :sa liberté d’être raisonnable. C’est ce qu’on appelle avoir de la dignité : manifester sa liberté. On peut posséder, acheter et vendre des choses car elles n’ont ni raison ni liberté, elles dépendent de la nature ou de la volonté des hommes qui les utilisent. Il serait ridicule de parler de dignité à propos d’une pomme de terre. L’esclavage est donc immoral en ce qu’il bafoue le respect des personnes et les réduit à l’état de choses. Si la dignité des personnes n’est pas respectée, cela conduit à l‘indignation. Nous pouvons donc comprendre ce qu’est une personne : une personne est un être de raison et de liberté , à qui on doit le respect, et qui a une dignité. Une chose est un être dépourvu de raison et de liberté, à quoi on ne doit pas le respect et qui n’a pas de dignité.

Mais doit-on vraiment le respect à toutes les personnes ? N’y a t-il pas des personnes qui ne méritent que le mépris ou le dédain ? Il ne faut pas confondre le respect et l’estime. On ne peut estimer toutes les personnes. L’estime s’adresse aux personnes raisonnables sachant exercer leur liberté, exprimant pleinement leur humanité. Ne sont pas estimables les personnes qui ne veulent pas écouter leur raison et qui se montrent irresponsables. Elles se comportent comme si elles étaient de simples choses. Mais je dois les respecter cependant car elles sont libres de changer de conduite. Il y a certes des personnes qui ne paraissent pas respectables :elles se conduisent effectivement comme de simples choses : elles se laissent acheter, vendre, posséder, manipuler de leur plein gré. On parle de vénalité: « combien me payez vous pour porter un faux témoignage ? » demande l’homme vénal. . on parle aussi de servilité : « faites de moi ce que vous désirez, dit la personne servile si elle y trouve son intérêt. Il y a aussi le pire des criminels : lui dois-je le respect ? Je dois le punir et l’empêcher de nuire mais puis-je l’insulter, le frapper, le torturer ? Puis-je ainsi soulager ma colère et me venger ? Non, car il ne s’agit pas de l’utiliser comme le moyen de calmer ma colère ou ma haine. Il faut le considérer lui : c’est un être de raison, libre, même si j’ai observé qu’il déraisonnait et mésusait de sa liberté. Je dois toujours penser qu’il peut changer, même si cela paraît impossible. Une personne ne peut être réduite à son passé, elle est en devenir. C’est pourquoi condamner quelqu’un à la réclusion à perpétuité ou à la mort, pose un problème moral. Mais se doit-on le respect à soi même ? Je le dois en tant que je suis une personne. Je dois me respecter autant que me faire respecter. Je ne suis pas à posséder ou à vendre. Je dois faire la preuve de ma raison et de ma liberté. Par conséquent, je ne peux vivre dans la paresse sans cultiver mes talents, menant une vie animale de consommateur, je n’ai pas seulement à conserver ma vie mais j’ai à l’accomplir, à la cultiver. Je ne peux songer à me détruire. Kant condamne catégoriquement le suicide des personnes saines d’esprit. Aucun homme ne peut se juger comme un être fini dont on doive désespérer. Kant pense aux personnes qui parce qu’elles sont malheureuses, veulent renoncer à la vie .C’est, dit Kant dans un texte difficile, considérer sa personne seulement comme le moyen de se procurer une vie agréable, un instrument de plaisir. Mais je suis digne de respect, que ma vie soit agréable ou désagréable. Que je sois vieux, handicapé, malade, je suis une personne ayant une valeur absolue. Que signifie une position aussi catégorique ?Elle pose la question du sens de la vie humaine. A quoi reconnaît-on la valeur d’une vie ? Au plaisir qu’elle apporte ou à la reconnaissance de la personne ? Est-ce que je peux soutenir que seules les vies heureuses ou agréables ont une valeur ? Est-ce que la vie du poète Joë Bousquet paralysé sur son lit après la guerre de 1914 est sans valeur ? Il ne s’agit pas d’imposer ce qu’on doit faire dans telle situation particulière, il s’agit de comprendre qu’on ne peut pas ne pas s’interroger ni se passer de certains principes Chacun doit ensuite discerner en son âme et conscience.

Dans cette troisième partie, nous avons compris ce que signifie, pour Kant, être une personne :un être de raison et de liberté. Le respect est la reconnaissance de la personne. La dignité est l’expression de mon existence libre et raisonnable. C’est en quoi il est immoral de considérer l’autre ou moi même comme une chose ou un simple moyen



Au terme de cette réflexion, nous comprenons comment la morale se fonde universellement dans la raison, qu’elle est difficile parce qu’elle est un devoir à accomplir selon des principes. Elle peut s’opposer à notre intérêt ou à la réussite de notre vie. Elle est le respect universel de la personne humaine, quelques soient ses malheurs ou ses crimes..

On ne peut comprendre une telle morale que si on la situe dans la pensée humaniste des Lumières. L’humanisme est largement représenté au XVIIIième siècle même s’il y a des exceptions pour certains penseurs. Kant est un philosophe humaniste. Il ne peut pas penser qu’un homme puisse s’opposer volontairement à la loi morale. Il peut la fuir par égoïsme, par paresse ou lâcheté, ou parce qu’il n’est pas maître de ses impulsions, mais au fond de lui, il garde gravée dans sa conscience, la loi morale. Il n’a pas la force de la suivre mais il ne la renie pas. Les êtres « diaboliques » n’existent pas. Kant écrit dans Les fondements de La Métaphysique des Mœurs que « même le pire scélérat » reconnaît dans sa raison la loi morale même s’il n’a pas ensuite le courage de la suivre. C’est ce qui fait la grandeur et la limite de la pensée humaniste : le mal absolu lui demeure incompréhensible.






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