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Les livres de l'Université Populaire d'Évreux


 Le mouvement ouvrier, héritier des Lumières?

Conférence du 16 octobre 2009 par Raymond Morvan

 

Citoyennes, citoyens

 

Ce soir cet amphithéâtre va retentir de proclamations révolutionnaires mais, rassurez-vous, aucune guillotine, ni réelle ni idéologique, ne vous attend à la sortie ... 

Plan de la première partie :

I) Introduction

II) Lumières et préparation philosophique d’une révolution : ce qui converge – et comment - en cette fin du XVIIIème siècle.

III) De 1789 à 1793 : une évolution dans les déclarations des droits de l’homme

Annexe de cette première partie : droits libertés et droits créances, la constitution de 1946

I) Introduction

Partons d’un simple constat : notre horizon politique, social et culturel est encore très largement influencé par les Lumières et la Révolution Française : l’histoire et l’interprétation de cette période ont toujours été un enjeu politique et idéologique.

Chaque moment de l’histoire politique de ce pays a, d’une certaine façon, établi ou modifié son rapport à la Révolution et privilégié telle ou telle partie de son déroulement.

Et c’est un fait : les polémiques n’ont jamais cessé sur le bilan de la révolution.

L’une des dernières en date, s’est développée autour des travaux de Furet.

Elle a pris un tour passionné et parfois très virulent mettant en jeu la « possibilité » même de toute révolution.

Un courant de l’historiographie désigne désormais la Révolution française comme la matrice de toutes les terreurs, liant dans une commune condamnation Révolution française et Révolution de 1917.

Le libéralisme politique s’appuie sur 1789 - à juste titre ! - mais écarte 93 et l’économie qu’on a appelée « dirigée », « assistée » ou « morale » des jacobins. Jean Pierre Cros, dans un article du supplément « Manière de voir » au Monde diplomatique (août 2009) polémique avec Furet, Alain Renault et Mona Ozouf  et retient le formule assez paradoxale le « libéralisme égalitaire des jacobins »  qui exprime bien les tensions dans la politique jacobine et montagnarde.

En abordant ce soir la question mouvement ouvrier et Lumières nous allons plonger dans une histoire pleine de bruit et de fureur.

J’ai volontairement centré la conférence sur la période de 1789 à 1871.

Je ne suis pas historien de formation et j’ai trop le respect des qualifications pour vouloir investir le terrain des spécialistes.

J’aborderai donc la question sous un angle spécifique.

Le mouvement ouvrier s’est situé par rapport aux Lumière à travers essentiellement sa connaissance de la révolution française et le rapport de celle-ci aux Lumières et c’est ce rapport entre les Lumières, leurs œuvres et la Révolution qui sera au cœur de la première partie de cette conférence.

Tout le mouvement ouvrier et démocratique s’est passionné pour le XVIIIème siècle et la Grande Révolution et pas seulement en France :

- le drapeau tricolore s’impose dans plus de 20 pays en hommage explicite à la révolution 

- des débats marquants du mouvement ouvrier se mènent en référence directe à la révolution : sur Thermidor, sur la Terreur, sur le bonapartisme, sur la révolution dans la révolution, sur le Jacobin « devenu le communiste d’aujourd’hui »  selon une expression de Lénine qui déclencha de belles polémiques dans la Social-démocratie.

- la bataille des hymnes entre la Marseillaise et l’Internationale fait parfois rage lors de diverses cérémonies et même dans les congrès de la social-démocratie française à la fin du XIXème et au début du XXème.

- dans la Social démocratie allemande on chantait la Marseillaise.

- sur le front de la guerre civile les soldats soviétiques chantaient la Marseillaise comme ils la chantaient lors de la révolution de 1917

Et, que de livres !

- Un recueil des textes de Marx et d’Engels sur la Révolution française a été publié par les éditions Messidor/ Edition sociales et Furet a fait de même en publiant « Marx et la Révolution française (textes traduits par Lucien Calvié). Marx a lu tout ce qui était disponible à son époque sur la révolution. Il voulait écrire une histoire de la convention après lecture des Mémoires du conventionnel Levasseur. Son prosateur préféré était Diderot (réponse de Marx au « questionnaire de Proust »).

- Rosa Luxembourg écrit plusieurs articles sur 1793.

- Bakounine fait souvent référence dans ses écrits à la Révolution française.

- L’anarchiste Kropotkine a écrit une excellente histoire de la Révolution.

- Kautsky a écrit les « Luttes de classe en France en 1789 » et c’est Engels lui-même qui corrige fort sévèrement son projet en montrant une très bonne connaissance des processus sociaux sous la révolution.

- Lénine lit tous les ouvrages disponibles et multiplie références et citations dans ses œuvres.

- Jaurès se lance dans des travaux considérables avec toute une équipe pour écrire « l’Histoire socialiste de la Révolution française. »

Dans les bibliothèques ouvrières, dans les bourses du travail, … les livres des Lumières encore et toujours…

Et combien d’entre nous ont découvert les Lumière à travers la collection des « Classiques du peuple », en particulier les volumes préfacés par Soboul, Jean Poperen, de George Lefebvre, Michel Vovelle .. ?

-Marcel Cachin de retour de Moscou en 1920 lance, stupéfait : « mais ils connaissent mieux la révolution française que nous !!! » Et, de fait, de nombreuses études sur la Révolution sont venues d’URSS (sur le mouvement paysan, sur Babeuf… dont le livre considérable de Victor Daline auquel Staline ne pardonnera jamais son soutien à l’opposition de gauche)

Enfin, pour qu’il n’y ait pas d’ambigüité :

Je précise que par mouvement ouvrier je vise ici la période de construction du mouvement ouvrier au XIXème et non l’existence d’un mouvement ouvrier organisé conscient de buts spécifiques en tant que classe sociale au cœur même de la révolution

Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’ouvriers ou pas de concentrations ouvrières et que la bourgeoise ne commence pas à mesurer que cette classe sociale en gestation représentera pour elle une sérieuse menace : la loi Allarde du 2 mars 1791 (qui supprime les corporations, jurandes et maîtrises) et la loi Le Chapelier, du 14 juin 1791, le montrent bien.

Ces lois d’une part abrogent certes les corporations de l’ancien régime mais aussi les compagnonnages et les sociétés ouvrières d’entraide mutuelle (qui contenaient des éléments de protection er de solidarité). Elles ouvrent la voie au salariat moderne (à la « liberté » du travail) tout en prenant la précaution d’interdire les groupements libres et indépendants de défense collective. Ainsi la loi Le Chapelier interdit aux citoyens d’une même profession « de prendre des arrêtés ou des délibérations sur leurs prétendus intérêts communs ». En somme elle interdit la coalition, le syndicat et le doit de grève.

Il faudra attendre 1864 pour que le droit de grève soit rétabli et 1884 pour que soit reconnu le droit syndical. Quasiment un siècle !

La fin du XVIIIe comment se présente la situation sociale des classes « inférieures » – les classes « dangereuses »…

Robert Castel dans sa chronique du Salariat (Métamorphoses de la question sociale, Fayard, 1995) indique que les « paumés de la terre » au XVIIIème ce sont d’abord :

- les compagnons des métiers, ouvriers qualifiés mais qui vivent souvent leur situation comme une déchéance quand ils ne peuvent devenir maitres artisans. Une partie d’entre eux travaille pour des marchands dans un cadre souvent rural.

- les nombreux domestiques  : 10% de la population des villes (groupe hétérogène selon la richesse des maîtres).

- dans les villes : les commis, les garçons de service, les clercs …nombreux et souvent très pauvres.

- les ouvriers de métiers qui vont disparaitre (porteurs d’eau, hommes de peine et hommes de main..).

- les ouvriers agricoles.

- les paysans-ouvriers.

- le prolétariat industriel naissant : celui des manufactures, des arsenaux, des filatures, des mines, des forges. Il commence à se développer mais dans des proportions qui n’ont rien à voir avec l’Angleterre qui a déjà entamé largement l’accumulation primitive du capital (à la suite du mouvement des enclosures)

Quelques exemples : Anzin 4000 ouvriers, Hayange une forte concentration comme au Creusot, comme à Sedan qui passe de 800 ouvriers en 1763 (en comptant les familles) à 14000 en 1789

Si une partie de ce prolétariat naissant travaille dans les usines, le reste est dispersé. Ainsi l’usine Dietrich de Niederbronn en Alsace compte sur 918 employés 148 en ateliers, le reste ce sont des artisans ruraux, des employés à domicile.

Castel estime qu’il y a 500 000 ouvriers au sens strict avant la révolution, encore très liés aux tutelles de l’ancien régime.

Le salariat moderne sur le mode du contrat de travail libre est l’exception (un édit de 1746 interdit à un salarié de quitter son travail sans «  billet de congé » du patron, et le livret ouvrier est obligatoire dès 1781).

Nous sommes encore proches des relations serviles du Moyen Age.

L’encyclopédie indique au mot salaire «  paiement ou gage se dit du prix que l’on donne aux journaliers ou mercenaires pour leur travail. »

Les formidables combattants que furent les canuts de la région lyonnaise ne sont pas un prolétariat mais des artisans très spécialisés aux traditions de lutte et de solidarité exceptionnelles et ce n’est pas par hasard que les libres penseurs et le mouvement ouvrier ont chanté et chantent encore leur combats.


 

II) Lumières et préparation philosophique d’une révolution : ce qui converge – et comment - en cette fin du XVIIIème siècle…

Partons d’un texte très significatif.

Comment Condorcet dresse t-il un premier bilan en 1793 ?

«Ainsi, le tableau des progrès de la philosophie et de la propagation des lumières, dont nous avons exposé déjà les effets les plus généraux et les plus sensibles, va nous conduire à l’époque où l’influence de ce progrès sur l’opinion, de l’opinion sur les nations ou sur leurs chefs, cessant tout à coup d’être lente et insensible, a produit dans la masse entière de quelques peuples, une révolution qui en présage une pour la généralité de l’espèce humaine. [...]

En France, Bayle, Fontenelle, Voltaire, Montesquieu, et les écoles formées par ces hommes célèbres, combattirent en faveur de la raison, employant tour à tour toutes les armes que l’érudition, la philosophie, l’esprit, le talent d’écrire peuvent fournir à la raison; [...] prenant enfin pour cri de guerre, raison tolérance, humanité. [...]

En comparant la disposition des esprits, dont j’ai tracé l’esquisse, avec ce système politique des gouvernements, on pouvait aisément prévoir qu’une grande révolution était infaillible; et il n’était pas difficile de juger qu’elle ne pouvait être amenée que de deux manières: il fallait

  • ou que le peuple établit lui-même ces principes de la raison et de la nature, que la philosophie avait su lui rendre si chers ;

  • ou que les gouvernements se hâtassent de les prévenir, et réglassent leur marche sur celle de ses opinions. L’une de ces révolutions devait être plus entière et plus prompte, mais plus orageuse

La corruption et l’ignorance des gouvernements ont préféré le premier moyen; et le triomphe rapide de la raison et de la liberté a vengé le genre humain.»

(Condorcet, Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain (1793).

 

D ’Argenson, conseiller d'État et ministre des affaires étrangères un court moment, et dont Sainte-Beuve disait : « il porte en lui tout 1789 » qui publie ses considérations sur le gouvernement de la France en 1764, texte que Voltaire connaît très bien, écrit :

« Il souffle d’Angleterre un vent philosophique. On entend murmurer les mots de liberté et de républicanisme. . Le temps de l’adoration est passé. Il se peut déjà qu’une nouvelle forme de gouvernement soit déjà conçue en certaines têtes pour en sortir à la première occasion armée de toutes pièces.

D’une émeute in peut passer à la révolte de la révolte à une totale révolution des tribuns du peuple des consuls. »

La crise sociale et politique se développe. Le roi s'obstine.

Le 3 décembre 1770, il déclare : « nous ne tenons notre couronne que de Dieu. Le droit de faire les lois nous paraît sans dépendance et sans partage. »

Que répond Malesherbes qui rédige les remontrances de la cour des aides ?

« On veut inspirer la terreur à tous les ordres de l’Etat.

Les droits de la nation sont les seuls que nous réclamons aujourd’hui. »

 

Toute la situation devient comme un arc tendu à l’extrême.

Les données classiques des périodes prérévolutionnaires se constituent :

- en haut on en peut plus gouverner comme avant (en particulier du fait de la crise financière et des résistances au pouvoir absolu qui se manifestent dans toutes les classes sociales y compris la noblesse).

- en bas on ne veut plus subir et être gouverné comme avant.

- une recrudescence de l’activité sociale, politique, idéologique se manifeste dans toutes les couches de la société.

Madame de Genlis (1746- 1830), femme de lettres de la noblesse d’épée chargée de l’éducation de Louis Philippe, était persuadée, à en croire une petite pièce qu’elle composa pour des enfants de l’école primaire sous Bonaparte, que la Révolution avait été le fruit d’un complot ourdi par le «parti philosophique» autour de la table du baron d’Holbach. On trouve chez elle l’esquisse du célèbre chant de Gavroche :

« Je suis tombé par terre,

C’est la faute à Voltaire! C’est la faute à Rousseau! »


 


 

Mais les cahiers de Doléances ruinent cette théorie si fréquente en histoire du « complot »  et permettent de préciser le mouvement qui monte d’en bas.

On dispose d’une comparaison entre les cahiers des Etat généraux de 1614 et ceux d’avant 89 dans le baillage de Troyes :

Le caractère sacré du roi est désormais remis en question, l’aspiration dominante est à la prise en compte par les autorités séculières et spirituelles des demandes populaires. Une réforme profonde des prélèvements est sans cesse exigée.

Dans les campagnes, les émeutes se profilent.

Dans les villes, les conflits se multiplient dans les métiers : 36 conflits sociaux entre maîtres et compagnons à Nantes et Lyon entre 1761 et 1789 contre 18 entre 1700 et 1760 : Pas forcément des grèves mais des pétitions, des appels aux parlements (su les salaires, pour la liberté de quitter son patron, contre le livret …).

Tocqueville note que le revers du processus par lequel l’Etat monarchique centralisateur s’impose c’est la politisation du village.

Le développement de la franc-maçonnerie joue aussi en rôle important.

Un groupe social dominant se révèle lors des assemblées primaires préparatoires aux Etats Généraux : les hommes de loi, les milieux de robe.

Sur les 648 députés du tiers aux Etats généraux, on compte 151 avocats et 218 officiers de justice, 14 notaires et 33 députés exerçant des charges municipales (soit plus des 2/3 des constituants).

A Evreux Buzot, avocat comme Robespierre, est élu (cf. le livre de Jacques Dimet ; la Révolution à Evreux aux éditions Messidor)

Vers l’aboutissement d’un combat

De Montesquieu à Condorcet, les Philosophes et leur entreprise d’émancipation du genre humain par le progrès de la raison, légitiment de fait la lutte contre les tyrans de toute espèce.

La lecture de Montesquieu, d’Holbach, Helvétius, Hobbes, Locke, Spinoza …. nourrit toutes les réflexions critiques.

La célèbre devise de la Révolution et les idées force qui s’imposeront dès les premières lignes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ont d’abord été découpées dans le Contrat social, chez Montesquieu ou dans les articles de l’Encyclopédie par les Marat, les Robespierre, et les Desmoulins. Puis restitués au gré des discours et proclamations des grands orateurs de la Constituante.

Voici venu le temps où les idées vont s’emparer des individus comme des foules.

Diderot avait été clair : l’Encyclopédie devra mesurer son efficacité à l’action de l’ouvrage sur l’esprit de la nation. Aussi déclare-t-il que l’Encyclopédie contient «une force interne et une utilité secrète dont les effets sourds seraient nécessairement sensibles avec le temps [...]. Le caractère d’un bon dictionnaire est de changer la façon commune de penser. »

Une internationale des esprits se constitue animée par le mot d’ordre qui retentit d’un bout à l’autre du dix-huitième siècle et de ses prolongations révolutionnaires : Liberté, Égalité, Fraternité.

Les formes d’organisation de la pensée critique

- Ce sont tout d’abord les clubs, sociétés, loges maçonniques, cercles de lectures démocratiques où l’on retrouve les Jacobins. Ce sont des lieux d’élaboration et d’expérimentation. Leur fonctionnement est à la fois individualiste et égalitaire. Il est irréductible au fonctionnement des ordres et aux représentations imposées par les autorités traditionnelles civiles ou religieuses.

- S’ajoutent les salons, les cafés, les académies, les journaux, une littérature sous le manteau considérable (anti religieuse, pornographique et philosophique).

Une culture politique se constitue doublée d’une double volonté : diffuser les idées nouvelles, passer à l’usage public de la critique.

Car le progrès des lumières, c’est que la conviction qui anime l’Encyclopédie, ne peut être le résultat d’une réforme de l’entendement menée par des individus isolés mais d’un partage des hardiesses.

Et il se passe quelque chose de décisif dans le siècle : le pourcentage des lecteurs passe de 29 à 47% pour les hommes et de 14 à 27% pour les femmes de 1690 à 1790.

La percée est considérable dans toutes couches de la société

Par exemple selon Roger Chartier (Les origines culturelles de la révolution française) les inventaires après décès recensent des livres chez 30% de domestiques à la fin du XVIIIème contre 13% au début du siècle.

Et les pamphlets se multiplient contre la monarchie contre la famille royale, -en particulier la Reine…- participant d’une désacralisation très efficace du pouvoir par leur diffusion spectaculaire

L’inventaire des 564 livres « embastillés » entre 1785 et 1790 est révélateur : livres pornographiques en tête (mais les philosophes n’ont pas dédaigné le genre : Voltaire et sa « pucelle d’Orléans » et Diderot et ses « bijoux indiscrets » …)

A la Bastille, on trouve le 14 juillet 1789 dans les livres saisis 18 titres de Voltaire, 8 de d’Holbach, 4 de Rousseau, 4 d’Helvétius, Diderot, Condorcet, Raynal Mercier…

Et 7 prisonniers ….

Bien entendu il faut être prudent.

Rousseau est lu dans toutes les couches de la société chez les aristocrates, les bourgeois, les négociants.

Les souscripteurs de l’encyclopédie sont surtout de clercs, des nobles, des militaires, des hommes de loi, des parlementaires, des professions libérales et tous, loin de là, n’ont pas soutenu la révolution.

Mais quelle que soit la classe sociale, la lecture produit ses effets : elle alimente, conforte la réflexion critique des uns et elle érode les certitudes des autres.

Les Mémoires (I, 26, 41, Paris, 1827) du comte de Ségur, nous instruisent sur l’impact des Philosophes sur les gens du grand monde:

«Nous nous sentions disposés à suivre avec enthousiasme les doctrines philosophiques que professaient des littérateurs spirituels et hardis. Voltaire entraînait nos esprits; Rousseau touchait nos cœurs; nous sentions un secret plaisir à les voir attaquer le vieil échafaudage, qui nous semblait gothique et ridicule. Ainsi quoique ce fût nos rangs, nos privilèges, les débris de notre ancienne puissance, qu’on minait sous nos pas, cette petite guerre nous plaisait [...] La liberté, quel que fût son langage, nous plaisait par son courage; l’égalité par sa commodité. On trouve du plaisir à descendre, tant qu’on croit pouvoir remonter dès qu’on le veut; et sans prévoyance nous goûtions tout à la fois les avantages du patriciat et les douceurs d’une philosophie plébéienne.»

La révolution va évidemment mettre un terme à cet équilibre confortable où « on trouve du plaisir à descendre tant qu’on croit pouvoir remonter… » !

Rétif de la Bretonne indique que les idées des Philosophes avaient pénétré jusqu’aux couches populaires. Il écrit en 1785: «Depuis quelque temps, les ouvriers de la capitale sont devenus intraitables, parce qu’ils ont lu dans nos livres une vérité trop forte pour eux».

L’allemand Storch visitant Paris s’extasie du nombre de gens qui lisent à Paris, que ce soit femmes, enfants, ouvriers, apprentis. Et l’on sait la passion avec laquelle le futur général Hoche lisait le Contrat Social alors qu’il était jeune garçon d’écurie.

Globalement pour les lecteurs de l’époque, la pensée des Lumière se caractérise :

– par une laïcisation des valeurs, la promotion de l’individu et de la raison comme arme critique.

– par un rationaliste et un pragmatisme liés aux découverts et avancées scientifiques dont Denis nous a parlé dans sa conférence.

par un refus de dévaluer le temps terrestre au profit du salut éternel : pourquoi faudrait-il toujours attendre un monde meilleur ?

Un contraste saisissant prend forme : au singulier, la Lumière est verticale, elle descend de Dieu, en tant que vérité divine, ou du roi soleil, roi absolu par la grâce de Dieu.

Au pluriel, Les lumières, dans leur dimension horizontale, ce sont les réseaux dans toute l’Europe et dans de nombreuses villes de France, des clubs, des entreprises comme l’Encyclopédie, une œuvre collective qui se déploie et irradie toutes les couches sociales.

Et voici en plus que s’affirme l’idée du bonheur tout au long du siècle : pourquoi faudrait-il toujours vivre dans une vallée de larmes ?

Saint-Just dira : « le bonheur est une idée neuve en Europe » et la déclaration de 93 commencera d’ailleurs par ces mots : « le but de la société c’est le bonheur commun ! »

L’extraordinaire Michelet concentre tout, comme souvent, en une de ces formules dont il a le secret :

« L’homme commençait à comprendre la voix des cloches qui sonnaient au village.

L’Eglise sonnait « toujours » (sous -entendu : la résignation)

Le donjon sonnait « jamais » (sous- entendu : cela ne changera jamais)

Mais une voix parlait dans son cœur; c’était la voix de Dieu (pour Michelet ce ne peut être que la voix de Dieu) : un jour viendra où la justice, le droit ajourné aura son avènement.

Et ce jour du jugement s’appellera « Révolution. »

Le temps était venu des impatiences qui deviendront les vecteurs terribles du changement.

Liberté! Égalité! Fraternité! Aux origines d’une formule

L’un des éditeurs des Discours de Robespierre l’historien Marc Bouloiseau, indique concernant Robespierre :

« aucun des écrits de ses contemporains, aucun des événements de son époque ne le laissèrent indifférent. Il s’est instruit de l’exemple des révolutionnaires anglais et américains. Dans ses plaidoiries, il cite déjà Montesquieu, Bacon, Leibniz et Condillac, Mably, Turgot et Voltaire, plus volontiers que les juristes. [...] Très vite, il fait d’ailleurs son choix. Les Encyclopédistes, dont il ne méconnaît pas les mérites comptent «nombre de charlatans ambitieux» ----et ils sont matérialistes… Rousseau seul mérite l’hommage des patriotes. Il se réclame de lui. »

Robespierre devant la Convention le 17 janvier 1794 présentera une véritable synthèse de sa pensée politique en réaffirmant les objectifs de la Révolution :

«Quel est le but auquel nous tendons ? [...] La jouissance paisible de l’égalité et de la liberté, le règne de cette justice éternelle dont les lois ont été gravées, non pas sur le marbre ou sur la pierre, mais dans le cœur de tous les hommes [...] Nous voulons un ordre de choses où toutes les passions basses et cruelles seront enchaînées [...] où les distinctions ne naissent que de l’égalité même [...] où la patrie assure le bien-être de chaque individu [...] Nous voulons substituer la morale à l’égoïsme, la probité à l’honneur, les principes aux usages [...] Nous voulons, en un mot, remplir les vœux de la nature, accomplir les destins de l’humanité, tenir les promesses de la philosophie. »

Les philosophes, les hommes de la raison spéculative et leurs héritiers révolutionnaires, les hommes de la raison politique vont ensemble, faire sauter «les barrières que la Raison n’aura point posées ». Ensemble, ils œuvrent à l’intérieur d’un processus historique où l’on croit par-dessus tout, jusqu’au tragique, jusqu’à la Terreur, à la force émancipatrice de la raison. D’une raison qui est en même temps Vertu, c’est-à-dire amour des lois, de la patrie, de l’égalité,

A la formule de Kant, «Ose savoir», fera écho le rapport de Saint- Just à la Convention du 26 février 1794: «Osez, ce mot renferme toute la politique de notre révolution».

Saint Just dira encore: « [...] Une chose triomphe sur la terre. C’est l’audace unie à la vertu ?

Le fil rouge qui court d’un discours à l’autre est la volonté commune de restaurer l’humanité dans ses droits ? un appel à l’humanité pour qu’elle «sorte de sa minorité» (Kant), pour qu’elle secoue ses chaînes, et pour que changent les rapports sociaux et que s’accomplisse un passage décisif : le passage du sujet au citoyen.

Ce sera proclamé par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, décrétant que l’homme n’est homme que s’il existe comme citoyen libre et égal, et c’était déjà annoncé, en plein milieu du dix-huitième siècle, par un observateur perspicace de la lutte des philosophes : le marquis d’Argenson. Voici ce qu’il écrit dans son Journal:

«Il peut se faire que ce gouvernement libre et anti-monarchique soit déjà dans les têtes pour l’exécuter à la première occasion [...] Qu’on ne dise pas qu’il n’y a plus d’hommes pour accomplir ces grands changements: toute la nation prendrait feu, et, s’il en résultait la nécessité d’assembler les États-Généraux du royaume, ces États ne s’assembleraient pas en vain; qu’on y prenne garde. ».

Et il va se passer quelque chose de très important : le fil de la continuité ne sera pas rompu entre les différentes générations des Lumières et la Révolution elle-même.

Car même si les grandes voix se sont tues (et parmi ces voix la dernière, celle de d’Holbach), les disciples des philosophes, ceux qu’on appelait alors l’Encyclopédie vivante, les Naigeon, les Condorcet, les Cabanis, les Destutt de Tracy, occuperont, sous le Nouveau Régime, des postes politiques importants et s’efforceront de développer concrètement les conséquences sociales du programme philosophique.

Et à toutes celles déjà citées ajoutons deux œuvres qui joueront un rôle fort important :

- préparée tout autant par doute méthodique de Descartes que par les recherches des libertins, l’alliance de la critique et de la raison est scellée dès 1695 par le Dictionnaire historique et critique (1695) de Bayle, le véritable précurseur de l’Encyclopédie. Les termes de «raison» et de «critique» deviennent alors interchangeables.

- l’Histoire philosophique de l’Abbé Raynal à laquelle contribue largement Diderot) connaît 20 éditions entre 1770 et 1780 !

Les distinctions et clivages politiques de la révolution s’enracinent dans toute cette littérature : les discours et les actions politiques le manifestent : les Girondins subissent surtout l’influence des théories des Encyclopédistes et de Montesquieu alors que les grands chefs de file des Jacobins se réclament davantage de Rousseau. Nous reviendrons sur ce clivage dans la seconde partie de la conférence.

Vers une pratique politique

Les travaux de Locke et le «modèle» expérimental newtonien vont contribuer à promouvoir une conception de la raison celle-ci est davantage éprouvée comme militante et combative : la raison s’identifie avec l’activité critique dont le droit de regard s’étend progressivement à tous les domaines en vue de construire un monde « éclairé ». Et heureux car la notion de progrès englobe dans une certaine mesure celle de « bonheur ». ».

Voltaire, dans la Lettre à Madame la Présidente de Bernière (1722), assurait déjà : «La grande affaire et la seule qu’on doive avoir, c’est de vivre heureux». Le thème du bonheur qui revient sans cesse au long du XVIIIe siècle s’enracine dans une philosophie de la nature et, sur le plan collectif, suppose une rencontre: celle des devoirs de l’individu et celle des préoccupations du législateur. Rencontre qui ne sera heureuse que par une pratique privilégiée: la vertu.

Car l’homme ne peut être vraiment libre, heureux, en « sûreté » qu’au sein d’une communauté organisée rationnellement; autrement dit par et dans l’institution d’un nouveau « contrat social » (cf. sur ce point la conférence de Marie Pierre) lequel assurera concrètement la liberté et l’égalité de tous et en codifiera légalement les droits, éloignant autant que possible les hommes des menaces de l’arbitraire, du despotisme ou de la tyrannie.

Robespierre, s’inspirant de Rousseau, met en évidence ces implications lorsque s’adressant à la Convention, le 10 mai 1793, il déclare:

L’homme est pour le bonheur et pour la liberté, et pourtant il est esclave et malheureux. La société a pour but la conservation de ses droits et la perfection de son être; et partout la société le dégrade et l’opprime.

Le temps est arrivé de la rappeler à ses véritables destinées; les progrès de la raison humaine ont préparé cette grande Révolution, et c’est à vous qu’est spécialement imposé le devoir de l’accélérer (…) C’est-à-dire de rendre les hommes heureux et libres par les lois. ».

(Discours sur la constitution du 10 mai 1793)

C’est une référence directe et explicite à l’extraordinaire ouverture du « Contrat social :

« L'homme est né libre, et partout il est dans les fers (…) Comment ce changement s'est-il fait? Je l'ignore. Qu’est-ce qui peut le rendre légitime? Je crois pouvoir résoudre cette question.

Si je ne considérais que la force et l'effet qui en dérive, je dirais: «Tant qu'un peuple est contraint d'obéir et qu'il obéit, il fait bien; sitôt qu'il peut secouer le joug, et qu'il le secoue, il fait encore mieux: »

Considérons maintenant le Préambule de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyens qui « expose » un ensemble de droits naturels individuels et collectifs ( déclaration adoptée définitivement le 26 août 1789).

Ce Préambule, ajouté au projet, a été rédigé sous l’influence de Mirabeau, et de Jean-Joseph Mounier (partisans d’une Monarchie constitutionnelle à l’anglaise…).

Chaque mot compte :

« Les représentants du peuple français, constitués en Assemblée nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés ; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous.

En conséquence, l'Assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Être Suprême, les droits suivants de l'homme et du citoyen.

 

Article premier - Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. »

 

Une invocation à l’ « Être suprême » a été rajoutée au cours des séances pour, selon de nombreuses interventions, tenir compte des convictions chrétiennes de presque tous les citoyens.

Le texte de l'article Un : « Tous les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit », synthétise la Loi du 4 août 1789 abolissant la société d'ordres hiérarchisés.

L'article 16 associant constitution et organisation de la séparation des pouvoirs, est fondé sur la conception proposée par Montesquieu depuis 1750 dans De l’Esprit des Lois.

L'article 3 qui attribue la souveraineté à la Nation s’inspire des thèmes des remontrances des Parlements, portées par les nombreux membres du club des Amis de la Constitution, plus connu sous le nom de Club des Jacobins, mais aussi du célèbre pamphlet de l'abbé Sieyès qui pose l'équation : peuple = Tiers-État et donc le fait que les députés du Tiers-État sont les représentants légitimes de l'ensemble du peuple.

L'article 6, directement inspiré du philosophe Rousseau a été proposé par Talleyrand. "La loi étant l'expression de la volonté générale, tous les citoyens ont droit de concourir personnellement ou par représentation à sa formation ; elle doit être la même pour tous"[9].

L’idéal philosophique et politique de ce texte est l’individualisme libéral. Mais dans un cadre institutionnel d’ensemble totalement en rupture avec l’ancien régime car «le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation ».

Les constituants déclarent ensuite quels sont les droits qui appartiennent à tout individu de par la nature même (Préambule : « droits inhérents à la nature humaine » : ce ne sont donc pas des droits créés par les révolutionnaires, mais des droits constatés). C’est l’aboutissement de la philosophie des Lumières du XVIIIe siècle.

L’article 2 qui énumère ces droits naturels et imprescriptibles de l’homme, présentés conformément à la conception libérale du XVIIIe siècle :

La propriété, droit naturel et imprescriptible de l'homme (article 2) est déclarée inviolable et sacrée (article 17). Cependant cet article 17 précise : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. ».

Michel Vovelle dans son livre  1789, l’héritage de la mémoire souligne la rupture fondamentale dans l’énoncé du droit :

« Au droit divin fondant la liberté et la responsabilité des hommes en tant qu’enfants de Dieu, au droit monarchique qui s’en réclamait par délégation, 1789 substitue la référence au droit naturel sous l’égide de la nature, non pas comme ordre immuable mais comme ordre aménageable dans le cadre du pacte social et de la souveraineté de la loi et donc associé à l’expression évolutive de la volonté générale. »

Les droits énoncés ne se réaliseront pas tous.

La déclaration ne va pas jusqu’à un « habeas corpus » à l’anglaise.

Sur le plan politique, la déclaration indique que tous les citoyens ont le droit de concourir à l’élaboration de la loi.

En fait, la Constituante n’accorde le droit de suffrages qu’aux possédants par un système électoral censitaire qui distingue citoyens passifs, exclus du droit électoral, et citoyens actifs, « les vrais actionnaires de la grande entreprise sociale » selon Sieyès.

Ce sont 4 millions de citoyens payant une contribution qui sont appelés à se réunir dans les assemblées primaires pour désigner les électeurs.

Ces électeurs sont un pour cent des citoyens actifs et paient une contribution encore plus forte ; ils se réunissent au plan départemental pour désigner les députés.

L’Abbé Grégoire, Robespierre, Marat, Desmoulins protestent mais ils sont bien seuls.

Il faudra attendre 92 et surtout 95 pour un vrai suffrage universel mais toujours sans les femmes (à l’image d’ailleurs de la place que leur accordait l’Encyclopédie : sur les 169 rédacteurs reconnus de l’Encyclopédie, on compte une seule femme…. qui rédige l’article « falbala. »). Et cela malgré le texte fameux d’Olympes de Gouges soutenue par Condorcet : « La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne »

En France l’esclavage est aboli mais maintenu aux colonies.

Au chapitre des libertés économiques :

Les physiocrates l’emportent et font prévaloir essentiellement la liberté d’entreprendre sans les entraves des survivances féodales et de l’Ancien régime économique et social

La liberté du commerce est proclamée : gabelle, douanes intérieures, octrois sont supprimés.

« Il fallait briser ces chaînes, on les brisa » dira Marx d’une de ces formules dont il a le secret.

Le laisser-faire laisser-passer s’impose délivré des monopoles et entraves.

Saint-Just : «  je n’aime pas les lois violentes sur le commerce. »

Sur le plan religieux :

L’article 10 indique « nul ne peut être inquiété pour ses opinions même religieuses » le « même » est comme une trace palpable de la conscience qu’ont les constituants de leur propre audace (mais avec des limites encore : s’ils rompent avec le droit divin ils ne vont pas en 89 jusqu’à en finir avec la religion d’Etat.

Cependant si les protestants pourront acquérir non sans mal la citoyenneté de plein droit l’émancipation des juifs sera difficile et par étape jusqu’en 91.

Le texte de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 (26 août 1789

Article premier - Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. »


Article 2 - Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression.

Article 3 - Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément.

Article 4 - La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi.

Article 5 - La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas.

Article 6 - La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement ou par leurs représentants à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens, étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.

Article 7 - Nul homme ne peut être accusé, arrêté ou détenu que dans les cas déterminés par la loi et selon les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi doit obéir à l'instant ; il se rend coupable par la résistance.

Article 8 - La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.

Article 9 - Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.

Article 10 - Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi.

Article 11 - La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.

Article 12 - La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique ; cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux à qui elle est confiée.

Article 13 - Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés.

Article 14 - Les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée.

Article 15 - La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration.

Article 16 - Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution.

Article 17 - La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.

La déclaration de 89 s’inspire de nombreux textes.

Elle fait suite à la proclamation d’autres « déclarations de droits ». En effet, depuis la Grande Charte de 1215, les Anglais ont arraché par la force des concessions au roi et les ont fait transcrire dans des textes solennels tels que la Pétition des droits de 1628, l’acte d’habeas corpus de 1679 et le Bill of Rights de 1689. A l’instar de la déclaration d’indépendance des Etats-Unis du 4 juillet 1776, huit des treize colonies vont se doter de déclarations de droits avant 1789. Tous ces textes sont traduits et diffusés en France. A titre d’exemple, dans la déclaration française, l’article 1 qui dispose « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits… » s’inspire manifestement de la déclaration du Massachusetts de mars 1780 dans laquelle il est écrit: « Tous les hommes sont nés libres et égaux… ».

Égalité et liberté

Au XVIIIe siècle, liberté et égalité ne sont pas deux concepts dissociés mais ils s’appellent l’un l’autre, comme le souligne le premier article de la Déclaration de 89.

L’assujettissement de l’homme, la limitation de sa liberté, c’est-à-dire de sa puissance et de son autonomie, l’inégalité, l’infériorité, l’injustice qui s’ensuivent, proviennent au premier chef, pour Voltaire, de causes psychologiques, morales, politiques et sociales (c’est l’une des leçons de Candide), et le plus sûr des remèdes à ces malheurs est l’indépendance financière de chaque individu , le droit de propriété (essentiellement agraire), l’accessibilité pour tous aux charges et aux fonctions de l’État, ainsi que l’établissement de lois qui garantissent la liberté de penser et de s’exprimer. Dans cette conception les inégalités de fait qui subsistent sont tolérables à condition d’être rendues compatibles avec «l’exigence d’humanité», c’est-à-dire avec «ce qui est dû le plus incontestablement à autrui.».

Les articles « liberté » et « égalité » de lEncyclopédie, très longs et très structurés, reprennent largement dans leur argumentation les positions de Montesquieu.

Passant enfin à ce qui lui semble le plus explosif, Jaucourt, s’inspirant explicitement de Montesquieu, pose l’unité de la liberté et de l’égalité politiques dans le droit imprescriptible de propriété.

En ce qui concerne l’égalité absolue ou la liberté absolue, Jaucourt est d’accord avec Voltaire pour la qualifier de « chimère que peut à peine enfanter une république idéale » et pour voir, avec Montesquieu, dans le régime anglais l’expression pragmatique, garantie par les lois et l’expérience de l’idéal contemporain de liberté et d’égalité.

D’Holbach est sans doute celui qui traduit le mieux l’idéal politique d’ensemble des encyclopédistes et de la bourgeoisie éclairée: l’idéal d’une monarchie tempérée, d’un régime représentatif assis sur un système censitaire : « C’est la propriété qui fait le citoyen».

L’opposition est nette entre l’Encyclopédie, qui soutient et défend la théorie de la monarchie constitutionnelle et le Contrat social qui porte l’idéal politique qui naissait dans les couches les plus démocratiques de la bourgeoisie d’alors; celles qui se sentaient non seulement opprimées par l’Ancien Régime, mais coincées entre la naissance des nouvelles formes d’accumulation du capital et le mouvement des masses pauvres et délaissées.

Les jacobins iront puiser chez Rousseau  leurs références.

Rousseau se distingue en effet en allant au-delà des simples «  égalité et liberté civiles. »

Dès le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1754), Rousseau situe dans la propriété la cause essentielle de l’inégalité. Le Contrat reprend et développe les intuitions du Second Discours. Rousseau, suivi en cela par Mably et ses lecteurs radicaux de la Montagne — proclame : « si l’on recherche en quoi consiste précisément le plus grand bien de tous, qui doit être la fin de tout système on trouvera qu’il se réduit à ces deux objets principaux : la liberté et l’égalité». .

Rousseau s’oppose en réalité à Locke, et tient la propriété comme la source de tous les maux et, en particulier, comme la cause première de l’inégalité sociale.

Il ne plaide pas pour autant l’abolition de la propriété. Le peuple – cette notion gagnera progressivement chez lui en extension - de sa cité idéale est un peuple composé de petits propriétaires à peu près égaux. Rousseau lie, comme les encyclopédistes, la liberté politique à l’égalité…. que l’accroissement des richesses menace toutes deux. Aussi prescrit-il la limitation des richesses, l’abolition du luxe, le ralentissement du commerce et de l’industrie estimant seule la possession de petits biens agraires indispensable à l’indépendance financière.

Or comme seul le peuple est porteur de la volonté générale, c’est à lui seul qu’il appartiendra de faire les lois. Les ordres autres que le Tiers-État sont disqualifiés en raison de leurs privilèges: ces derniers sont à la source des volontés particulières qui obscurcissent la claire vision du bien commun.

Et si le peuple et l’unique détenteur de la puissance législative, il est également seul souverain; et, par suite, il ne peut avoir de représentants.

Rousseau critique ainsi le régime anglais de manière très radicale :

«  La souveraineté ne peut être représentée par la même raison qu’elle ne peut être aliénée ; elle consiste essentiellement dans la volonté générale, et la volonté ne se représente point. [...] Les députés du peuple ne sont donc ni ne peuvent être ses représentants, ils ne sont que ses commissaires ; ils ne peuvent rien conclure définitivement. »(…) . L e peuple anglais pense être libre il se trompe fort. (Contrat social livre III, chapitre XV, p 339, édition de Maurice Halbwachs, Aubier 1943)

Et un commissaire du peuple cf. La Constitution de la Pologne, (chap.VII) sert simplement à préparer la loi que le peuple tout entier doit ensuite ratifier sinon elle est nulle.

Rousseau a cependant conscience du caractère illusoire d’une politique qui cherche à faire revivre au XVIII ème (et donc dans de tout autres conditions) l’idéal égalitaire antique de la démocratie directe.

Nous reviendrons sur ces questions de la représentation politique en démocratie dans la seconde partie de la conférence.

Deux jugements sur le lien Lumières - révolution

La signification révolutionnaire des articles de lEncyclopédie, leur retentissement politique sur les esprits nous sont donnés par une lettre de Turgot à Dupont de Nemours (4 janvier 1769)

«La liberté, écrit Turgot, les Philosophes en avaient parlé quand ils avaient discuté grâce ou déterminisme, mais combien rarement il était sur la langue de l’homme ordinaire! Tandis que maintenant! Maintenant, il est sur les lèvres de chacun [...] quelle précision il a acquise! Quelle vitalité! Quelles conceptions réelles il embrasse dans son champ; quelles images nettes s’éveillent dans chaque esprit au moment il est prononcé!».

Il est intéressant de comparer le ton de cette lettre avec la dénonciation de l’entreprise des philosophes par l’avocat général Séguier devant le Parlement de Paris en 1770, un an plus tard:

«Les philosophes se sont élevés en précepteurs du genre humain. Liberté de penser, voilà leur cri, et ce cri s’est fait entendre d’une extrémité du monde à l’autre. D’une main, ils ont tenté d’ébranler le trône, de l’autre ils ont voulu renverser les Autels. Leur objet était de faire prendre un autre cours aux esprits sur les institutions civiles et religieuses, et la révolution s’est pour ainsi dire opérée [...] Éloquence, poésie, histoire, romans jusqu’aux dictionnaires, tout a été infecté.»

III) De 1789 à 1793

Le peuple est roi

Le 25 septembre 1792, la République Une et Indivisible est proclamée

La déclaration de la Patrie en danger, le Manifeste du duc de Brunswick menaçant Paris de la subversion totale au nom des coalisés, la résistance des soldats de la Liberté, lorganisation de la victoire par les mandataires de la Convention, en particulier Carnot et Saint-Just, la condamnation à mort du Roi …. tous ces événements accélèrent les processus en développement.

La radicalisation de la Révolution, se manifeste clairement dans la Déclaration d’avril 1793 préparé par Robespierre et le parti de l’égalité.

La cause du peuple, cette cause que Robespierre évoque dans chaque discours, est constamment qualifiée chez lui comme « la cause même de la République », comme la cause de la liberté et de l’égalité de tous;

«Si vous voulez la république, attachez-vous au peuple, et ne faites rien que pour lui», déclare Saint-Just dans le Discours sur la Constitution de la France du 24 avril 1793.

Nous sommes certes loin d’une conception du type « lutte de classes » - cependant chez Guizot on trouve déjà une analyse en termes de classes sociales des bouleversements sociaux en cours - mais au cœur d’une opposition riches/ pauvres nourrie de réminiscences antiques et de type rousseauiste : dans le peuple s’interpénètrent les propriétés morales et politiques caractérisant la pauvreté, le travail et la vertu.

Robespierre fait progressivement passer au premier rang la notion d’égalité.

En révolutionnaire conséquent, de manière très pragmatique, il élabore un axe politique : la défense sans compromission des droits et des pauvres et des faibles, contre ceux des riches, [des] accapareurs, [des] agioteurs et [des] tyrans.

Un important discours concentre cette orientation : Robespierre le prononce au Club des Jacobins, le 29 juillet 1792.

Il réclame l’élaboration d’une Constitution nouvelle, le renouvellement de la législature ainsi que la dissolution de l’Assemblée Législative qui s’est discréditée par son impéritie.

Il déclare :

«  Il faut supprimer toutes les limitations liées au suffrage censitaire, introduire le suffrage universel à tous les niveaux du système électoral, limiter par la loi le droit de propriété, insister sur le devoir de solidarité entre membres d’une même société. »

Dans le Discours contre le veto du roi il affirmait déjà :

«Il faut se rappeler que les gouvernements quels qu’ils soient sont établis par le Peuple (…)

(Or) « comme ceux qui gouvernent ont une volonté individuelle: ils tendent naturellement à leur intérêt particulier, il faut donc que la loi les ramène sans cesse à l’intérêt commun, et qu’elle ait la force de confondre le magistrat avec la république (Œuvres complètes tome 6, discours)

Déjà il demandait en 89 à la Constituante la disparition de la distinction entre citoyens actifs et citoyens passifs. Il exige désormais une convention nationale, qui respectera les droits de tous les citoyens, « la seule légitime, la seule complète, que la France aurait jamais vue.».

De 93 à 95 cette constitution va naître.

Toujours dans ce même discours qui porte Sur les principes de morale politique qui doivent guider la Convention..., Robespierre s’adressant aux députés, expose les deux maximes qui doivent guider l’action politique :

«La première maxime de votre politique doit être qu’on conduit le peuple par la raison, et les ennemis du peuple par la terreur.». Le futur article XXVII de la Déclaration de 93 sera pour légitimer l’action révolutionnaire du peuple dès lors que le souverain peuple est opprimé par le gouvernement. Dans ce cas « l’insurrection du peuple entier et de chaque portion du peuple est le plus saint des devoirs ».

De même la guerre, la violence à l’extérieur sont nécessaires. La guerre et la défense de la Révolution, c’est-à-dire de l’œuvre du peuple souverain ne font qu’un: c’est la juste insurrection du peuple français qui se lève tout entier pour exercer sa souveraineté contre l’Europe conjurée contre lui.

Mais en même temps, par l’universalisation de sa révolution, le peuple tiendra envers les « autres peuples frères, un rôle salvateur. Son exemple doit transformer le monde entier: «Que le peuple français soit parmi les peuples ce qu’Hercule fut parmi les héros. [...] Nous porterons aux peuples étrangers la liberté et l’égalité.»

Dans le dernier article de son projet de Déclaration des droits, Robespierre ira jusqu’à vouloir fonder pour l’opposer à la coalition des Rois, une coalition des peuples égaux et libres, du « souverain de la terre qui est le genre humain», contre lequel « les rois, les aristocrates, les tyrans, quels qu’ils soient ne sont que des « esclaves révoltés ».

Mais le prix du saut qualitatif vers une révolution qui englobe l’organisation sociale tout entière, va se payer très cher.

Saint-Just mettait en épigraphe à son Essai de Constitution, l’avertissement « on ne peut pas régner innocemment», ajoutant dans son Premier Discours sur les célèbres décrets de Ventôse (26 février 94) : «Ceux qui font des révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau.».

Ces décrets de Ventôse vont très loin dans le texte mais ils ne seront que très partiellement appliqués.

Ils stipulent la confiscation des biens des ennemis de la révolution et la distribution de ces biens aux patriotes pauvres.

A ceux qui protestent, Robespierre jettera avec dédain : «Citoyens, vouliez-vous une révolution sans révolution?».

Et, de fait, c’est, au cours d’un délai historique déjà stupéfiant par sa brièveté —12 à 13 mois que Robespierre et la Convention vont s’attaquer aux principaux problèmes de la Révolution.

En 1794, juste un an après la Constitution de 93, la féodalité aura été détruite, les coalisés mis en déroute par les armées de la nation, les ennemis de l’intérieur, aristocrates ou contre-révolutionnaires, auront été envoyés à la guillotine,

La Déclaration des Droits que Robespierre présente le 24 avril 1793 devant la Convention, pose les prémisses d’une démocratie à caractère social.

Le corps de ladite Déclaration gravite toute entière autour du concept de souveraineté du peuple, et en même temps proclame ses devoirs.

EN effet Robespierre joint à ses préoccupations sociales et au problème politique qu’il considère le plus important, établir effectivement la souveraineté du peuple, un souci didactique.

Ainsi verra-t-il dans le plan d’éducation nationale rédigé par Le Peletier de Saint-Fargeau, projet que Robespierre présente à la Convention le 13 juillet 1793, la nécessaire formation du cœur et de l’esprit.

La Déclaration du 24 avril 1793 de Robespierre insiste : il faut en toutes circonstances permettre aux citoyens de comparer les actes du gouvernement avec le but de l’institution sociale tel qu’il est exprimé au long des articles ; en particulier par l’article premier: «Le but de toute association politique est le maintien des droits naturels et imprescriptibles de l’homme, et le développement de toutes ses facultés.». C’est dans ce jugement continuel de leur raison, dans cette évaluation constante que réside de manière active leur liberté.

Si le pacte social est violé le peuple recourra à une légitime insurrection contre l’injustice et la tyrannie pour exercer sa souveraineté. L’article XV l’expose avec une netteté exemplaire : «Le peuple est le souverain: le gouvernement est son ouvrage et sa propriété, les fonctionnaires publics sont ses commis» ; il est placé au centre de gravité des trente articles qui composent la Déclaration. Les articles qui le précèdent ou qui le suivent précisant les droits de l’homme et du citoyen.

Les obligations de la société envers ses membres sont alors énumérées. Cette suite d’articles regroupe les principaux éléments de l’idéal social de Robespierre qui entend le décliner comme autant de droits constitutionnels. Il s’agit en particulier du droit au travail que la société doit assurer à tous ses membres, des secours aux indigents que justifie la solidarité mutuelle entre citoyens, et dont les modalités seront délimités par la loi, de l’instruction mise à portée de tous.

La liberté est l’objet d’une définition précise :

«la liberté est le pouvoir qui appartient à l’homme d’exercer à son gré toutes ses facultés. Elle a la justice pour règle, les droits d’autrui pour bornes, la nature pour principes, et la loi pour sauvegarde». Robespierre reprend ici presque textuellement la définition que donne Rousseau de la liberté dans le Contrat en lui adjoignant des précisions les principes de la morale naturelle, la garantie des lois — qu’il emprunte à la conception de Montesquieu et à l’article Liberté de l’Encyclopédie.

Rousseau cite dans ses notes préparatoires à la déclaration de 93 une formule qu’il a trouvée dans l’ouvrage de d’Argenson, Considérations sur le gouvernement ancien et présent de la France : «Dans la république, chacun est parfaitement libre en ce qui ne nuit pas aux autres. Voilà la borne invariable; on ne peut la poser plus exactement

Plate-forme idéologique et politique des idéaux jacobins, cette déclaration devait rassembler autour d’elle et de la nouvelle Constitution qu’elle préface, toute la nation, les nouvelles institutions, assurer les fondements des lois et la souveraineté du peuple, garantir le règne civil de l’esprit de liberté et d’égalité. Cet esprit d’égalité n’étant « point, comme l’écrit Saint- Just, que l’homme puisse dire à l’homme, je suis aussi puissant que toi [...], l’esprit de l’égalité est que chaque individu soit une portion égale de la souveraineté, c’est-à-dire du tout »

Cependant l’égalité absolue entre citoyens reste une chimère pour Robespierre. Il rejoint la position des Encyclopédistes à cet égard, et déclare qu’elle est irréalisable. une égalité des biens au demeurant impossible selon la plupart des penseurs du XVIIIème siècle.

On mesurera par exemple le pas gigantesque à franchir si l’on se réfère à la conception de Voltaire sur ces questions.

OEUVRES COMPLÈTES DE VOLTAIRE  DICTIONNAIRE PHILOSOPHIQUE : PROPRIÉTÉ

« Liberty and property », c’est le cri anglais, c’est le cri de la nature.

L’esprit de propriété double la force de l’homme. On travaille pour soi et pour sa famille avec plus de vigueur et de plaisir que pour un maître. .

Tous les paysans ne seront pas riches; et il ne faut pas qu’ils le soient. On a besoin d’hommes qui n’aient que leurs bras et de la bonne volonté. Mais ces hommes mêmes, qui semblent le rebut de la fortune, participeront au bonheur des autres. Ils seront libres de vendre leur travail à qui voudra le mieux payer. Cette liberté leur tiendra lieu de propriété. L’espérance certaine d’un juste salaire les soutiendra. Ils élèveront avec gaieté leurs familles dans leurs métiers laborieux et utiles. C’est surtout cette classe d’hommes si méprisables aux yeux des puissants qui fait la pépinière des soldats.

Robespierre va beaucoup plus loin que Voltaire car sa « sensibilité » égalitariste comprend un volet politique et un volet économique et social

En 1792, il, dénonce la «  cupidité homicide » du commerçant qui « entasse des monceaux de blé à côté de son semblable qui meurt de faim ».

Alors le droit de propriété ne tient plus; il doit être remis en question dès lors que la « spéculation mercantile se fait aux dépens de la vie de mon semblable », qu’elle se fait « un brigandage et un fratricide ».

En cet hiver 1792-1793 la famine est en effet là et Robespierre prononce un formidable discours où il va plus loin que jamais sur la question de la propriété.

Un discours d’une actualité stupéfiante quand un milliard d’hommes ne mangent pas à leur faim et qu’un enfant meurt de faim toutes les 6 secondes sur notre planète

Un discours où l’on sent à quel point Robespierre emprunte un chemin escarpé, une voie terriblement étroite entre la volonté de préserver la « libre circulation des marchandises » et la nécessité de répondre à l’appel d’un peuple qui a faim.

Le 2 décembre 1792 Robespierre tonne à la tribune :

Quel est le premier objet de la société ? C’est de maintenir les droits imprescriptibles de l’homme.

Quel est le premier de ces droits ? Celui d’exister.

La première loi sociale est donc celle qui garantit à tous les membres de la société les moyens d’exister ; toutes les autres sont subordonnées à celle-là ; la propriété n’a été instituée ou garantie que pour la cimenter ; c’est pour vivre d’abord que l’on a des propriétés. Il n’est pas vrai que la propriété puisse jamais être en opposition avec la subsistance des hommes.

Le texte complet du discours sur les « subsistances »(les gras sont de RM)

... Dans tout pays où la nature fournit avec prodigalité aux besoins des hommes, la disette ne peut être imputée qu’aux vices de l’administration ou des lois elles-mêmes ; les mauvaises lois et la mauvaise administration ont leur source dans les faux principes et dans les mauvaises mœurs.

C’est un fait généralement reconnu que le sol de la France produit beaucoup au-delà de ce qui est nécessaire pour nourrir ses habitants, et que la disette actuelle est une disette factice...

Citoyens, c’est à vous qu’est réservée la gloire de faire triompher les vrais principes, et de donner au monde des lois justes. Vous n’êtes point faits pour vous traîner servilement dans l’ornière des préjugés tyranniques, tracés par vos devanciers, ou plutôt vous commencez une nouvelle carrière où personne ne vous a devancés. Vous devez soumettre du moins à un examen sévère toutes les lois faites sous le despotisme royal, et sous les auspices de l’aristocratie nobiliaire, ecclésiastique ou bourgeoise ; et jusqu’ici, vous n’en avez point d’autres...

J’ai vu l’aristocratie accuser le peuple ; j’ai vu les intrigants hypocrites imputer leurs propres crimes aux défenseurs de la liberté qu’ils nommaient agitateurs et anarchistes ; j’ai vu un ministre impudent dont il n’était pas permis de soupçonner la vertu, exiger les adorations de la France en la ruinant, et du sein de ces criminelles intrigues, la tyrannie sortir armée de la loi martiale, pour se baigner légalement dans le sang des citoyens affamés. Des millions au ministre, dont il était défendu de lui demander compte, des primes qui tournaient au profit de sangsues du peuple, la liberté indéfinie du commerce ; et des baïonnettes pour calmer les alarmes ou pour opprimer la faim, telle fut la politique vantée des nos premiers législateurs.

Les primes peuvent être discutées ; la liberté du commerce est nécessaire jusqu’au point où la cupidité homicide commence à en abuser ; l’usage des baïonnettes est une atrocité ; ce système est essentiellement incomplet parce qu’il ne porte point sur le véritable principe.

Les erreurs où on est tombé à cet égard me paraissent venir de deux causes principales :

1° Les auteurs de la théorie ( du libre marché) n’ont considéré les denrées les plus nécessaires à la vie que comme une marchandise ordinaire, et n’ont mis aucune différence entre le commerce du blé, par exemple, et celui de l’indigo ; ils ont plus disserté sur le commerce des grains, que sur la subsistance du peuple ; et faute d’avoir fait entrer cette donnée dans leurs calculs, ils ont fait une fausse application des principes évidents en général ;c’est ce mélange de vrai et de faux qui a donné quelque chose de spécieux à un système erroné.

2° Ils l’ont bien moins encore adapté aux circonstances orageuses que les révolutions amènent ; et leur vague théorie fût-elle bonne dans les temps ordinaires, ne trouverait aucune application aux mesures instantanées, que les moments de crise peuvent exiger de nous. Ils ont compté pour beaucoup les profits des négociants ou des propriétaires, et la vie des hommes à-peu-près pour rien. Eh pourquoi ! C’étaient des grands, les ministres, les riches qui écrivaient, qui gouvernaient ; si c’eût été le peuple, il est probable que ce système aurait reçu quelques modifications !

Le bon sens, par exemple, indique cette vérité, que les denrées qui ne tiennent pas aux besoins de la vie, peuvent être abandonnées aux spéculations les plus illimitées du commerçant mais la vie des hommes ne peut être soumise aux mêmes chances. Il n’est pas nécessaire que je puisse acheter de brillantes étoffes ; mais il faut que je sois assez riche pour acheter du pain, pour moi et pour mes enfants. Le négociant peut bien garder, dans ses magasins, les marchandises que le luxe et la vanité convoitent jusqu’à ce qu’il trouve le moment de les vendre au plus haut prix possible ; mais nul homme n’a le droit d’entasser des monceaux de blé, à côté de son semblable qui meurt de faim.

Quel est le premier objet de la société ? C’est de maintenir les droits imprescriptibles de l’homme. Quel est le premier de ces droits ? Celui d’exister.

La première loi sociale est donc celle qui garantit à tous les membres de la société les moyens d’exister ; toutes les autres sont subordonnées à celle-là ; la propriété n’a été instituée ou garantie que pour la cimenter ; c’est pour vivre d’abord que l’on a des propriétés. Il n’est pas vrai que la propriété puisse jamais être en opposition avec la subsistance des hommes.

Les aliments nécessaires à l’homme sont aussi sacrés que la vie elle-même. Tout ce qui est indispensable pour la conserver est une propriété commune à la société entière. Il n’y a que l’excédent qui soit une propriété individuelle, et qui soit abandonné à l’industrie des commerçants. Toute spéculation mercantile que je fais aux dépens de la vie de mon semblable n’est point un trafic, c’est un brigandage et un fratricide.

D’après ce principe, quel est le problème à résoudre en matière de législation sur les subsistances ? le voici : assurer à tous les membres de la société la jouissance de la portion des fruits de la terre qui est nécessaire à leur existence ; aux propriétaires ou aux cultivateurs le prix de leur industrie et livrer le superflu à la liberté du commerce.

Je défie le plus scrupuleux défenseur de la propriété de contester ces principes, à moins de déclarer ouvertement qu’il entend par ce mot le droit de dépouiller et d’assassiner ses semblables. Comment donc a-t-on pu prétendre que toute espèce de gêne, ou plutôt que toute règle sur la vente du blé était une atteinte à la propriété, et déguiser ce système barbare sous le nom spécieux de la liberté du commerce ?...

Sans doute si tous les hommes étaient justes et vertueux ; si jamais la cupidité n’était tentée de dévorer la substance du peuple ; si dociles à la voix de la raison et de la nature, tous les riches se regardaient comme les économes de la société, ou comme les frères du pauvre, on pourrait ne reconnaître d’autre loi que la liberté la plus illimitée ; mais s’il est vrai que l’avarice peut spéculer sur la misère, et la tyrannie elle-même sur le désespoir du peuple ; s’il est vrai que toutes les passions déclarent la guerre à l’humanité souffrante, pourquoi les lois ne réprimeraient-elle pas ces abus ? Pourquoi n’arrêteraient-elles pas la main homicide du monopoleur, comme celle de l’assassin ordinaire ? pourquoi ne s’occuperaient-elles pas de l’existence du peuple, après s’être si long-tems occupées des jouissances des grands, et de la puissance des despotes ?

Or, quels sont les moyens de réprimer ces abus ? On prétend qu’ils sont impraticables ; je soutiens qu’ils sont aussi simples qu’infaillibles ; on prétend qu’ils offrent un problème insoluble, même au génie ; je soutiens qu’ils ne présentent au moins aucune difficulté au bon sens et à la bonne foi ; je soutiens qu’ils ne blessent ni l’intérêt du commerce, ni les droits de la propriété.

Que la circulation dans toute l’étendue de la république soit protégée ; mais que l’on prenne les précautions nécessaires pour que la circulation ait lieu. C’est précisément du défaut de circulation que je me plains. Car le fléau du peuple, la source de la disette, ce sont les obstacles mis à la circulation, sous le prétexte de la rendre illimitée. La subsistance publique circule-t-elle, lorsque des spéculateurs avides la retiennent entassée dans leurs greniers ? Circule-t-elle, lorsqu’elle est accumulée dans les mains d’un petit nombre de millionnaires qui l’enlèvent au commerce, pour la rendre plus précieuse et plus rare ; qui calculent froidement combien de familles doivent périr avant que la denrée ait atteint le temps fixé par leur atroce avarice ? Circule-t-elle, lorsqu’elle ne fait que traverser les contrées qui l’ont produite, aux yeux des citoyens indigents qui éprouvent le supplice de Tantale, pour aller s’engloutir dans le gouffre inconnu de quelque entrepreneur de la disette publique ? Circule-t-elle, lorsqu’à côté des plus abondantes récoltes le citoyen nécessiteux languit, faute de pouvoir donner une pièce d’or, ou un morceau de papier assez précieux pour en obtenir une parcelle ?

La circulation est celle qui met la denrée de première nécessité à la portée de tous les hommes, et qui porte dans les chaumières l’abondance et la vie. Le sang circule-t-il, lorsqu’il est engorgé dans le cerveau ou dans la poitrine ? Il circule, lorsqu’il coule librement dans tous le corps ; les subsistances sont le sang du peuple, et leur libre circulation n’est pas moins nécessaire à la santé du corps social, que celle du sang à la vie du corps humain. Favorisez donc la libre circulation des grains, en empêchant tous les engorgements funestes. Trois causes les favorisent, le secret, la liberté sans frein, et la certitude de l’impunité.

Le secret, lorsque chacun peut cacher la quantité de subsistances publiques dont il prive la société entière ; lorsqu’il peut frauduleusement les faire disparaître et les transporter, soit dans les pays étrangers, soit dans les magasins de l’intérieur... Quel est le bon citoyen qui peut se plaindre d’être obligé d’agir avec loyauté et au grand jour ? A qui les ténèbres sont-elles nécessaires si ce n’est aux accapareurs et aux fripons ? D’ailleurs, ne vous ai-je pas prouvé que la société avait le droit de réclamer la portion qui est nécessaire à la subsistance des citoyens ? Que dis-je ? c’est le plus sacré des devoirs. Comment donc les lois nécessaires pour en assurer l’exercice seraient-elles injustes ?

J’ai dit que les autres causes des opérations désastreuses du monopole, étaient la liberté indéfinie et l’impunité. Quel moyen plus sûr d’encourager la cupidité et de la dégager de toute espèce de frein, que de poser en principe que la loi n’a pas même le droit de la surveiller, de lui imposer les plus légères entraves ? Que la seule règle qui lui soit prescrite c’est le pouvoir de tout oser impunément ? Que dis-je ? Tel est le degré de perfection auquel cette théorie a été portée, qu’il est presqu’établi que les accapareurs sont impeccables ; que les monopoleurs sont les bienfaits de l’humanité ; que, dans les querelles qui s’élèvent entre eux et le peuple, c’est le peuple qui a toujours tort. Ou bien le crime du monopole est impossible, ou il est réel ; si c’est une chimère, comment est-il arrivé que de tout tems on ait cru à cette chimère ? Pourquoi avons-nous éprouvé ses ravages dès les premiers tems de notre révolution ? Pourquoi des rapports non-suspects, et des faits incontestables, nous dénoncent-ils ses coupables manœuvres ? S’il est réel, par quel étrange privilège obtient-il seul le droit d’être protégé ? Quelles bornes les vampires impitoyables qui spéculeraient sur la misère publique, mettraient-ils à leurs attentats, si, à toute espèce de réclamation, on opposait sans cesse des baïonnettes et l’ordre absolu de croire à la pureté et à la bienfaisance de tous les accapareurs ? La liberté indéfinie n’est autre chose que l’excuse, la sauvegarde et la cause de cet abus. Comment pourrait-elle en être le remède ? De quoi se plaint-on ? Précisément des maux qu’a produits le système actuel, ou du moins des maux qu’il n’a pas pu prévenir ? Et quel remède nous propose-t-on ? Le système actuel.

Je vous dénonce les assassins du peuple, et vous répondez : laissez les faire. Dans ce système, tout est contre la société ; tout est en faveur des marchands de grains.

C’est ici, législateurs, que toute votre sagesse et toute votre circonspection son nécessaires. Un tel sujet est toujours délicat à traiter ; il est dangereux de redoubler les alarmes du peuple, et de paraître même autoriser son mécontentement. Il est plus dangereux encore de taire la vérité, et de se dissimuler les principes. Mais, si vous voulez les suivre, tous les inconvénients disparaissent : les principes seuls peuvent tarir la source du mal.

Je sais bien que quand on examine les circonstances de telle émeute particulière, excitée par la disette réelle ou factice des blés, on reconnaît quelquefois l’influence d’une cause étrangère. L’ambition et l’intrigue ont besoin de susciter des troubles : quelquefois, ce sont ces mêmes hommes qui excitent le peuple, pour trouver le prétexte de l’égorger, et pour rendre la liberté même terrible, aux yeux des hommes faibles et égoïstes. Mais il n’en est pas moins vrai que le peuple est naturellement droit et paisible ; il est toujours guidé par une intention pure ; les malveillants ne peuvent le remuer, s’ils ne lui présentent un motif puissant et légitime à ses yeux. Ils profitent de son mécontentement plus qu’ils ne le font naître ; et quand ils le portent à des démarches inconsidérées, par le prétexte des subsistances, ce n’est que parce qu’il est disposé à recevoir ses impressions, par l’oppression et par la misère. Jamais un peuple heureux ne fut un peuple turbulent. Quiconque connaît les hommes, quiconque connaît surtout le peuple français, sait qu’il n’est pas au pouvoir d’un insensé ou d’un mauvais citoyen, de le soulever sans aucune raison, contre les lois qu’il aime, encore moins contre les mandataires qu’il a choisis, et contre la liberté qu’il a conquise. C’est à ses représentants à lui témoigner la confiance qu’il leur donne lui-même, et de déconcerter la malveillance aristocratique, en soulageant ses besoins, et en calmant ses alarmes.

Les alarmes même des citoyens doivent être respectées. Comment les calmer, si vous restez dans l’inaction ? Les mesures même qu’on propose, ne fussent-elles pas aussi nécessaires que nous le pensons, il suffit qu’il les désire, il suffit qu’elles prouvent à ses yeux votre attachement à ses intérêts, pour vous déterminer à les adopter. J’ai déjà indiqué quelle était la nature et l’esprit de ces lois, je me contenterai ici de demander la priorité pour les projets de décrets qui proposent des précautions contre le monopole, en me réservant de proposer des modifications, si elle est adoptée. J’ai déjà prouvé que ces mesures et les principes sur lesquels elles sont fondées, étaient nécessaires au peuple. Je vais prouver qu’elles sont utiles aux riches et à tous les propriétaires.

Je ne leur ôte aucun profit honnête, aucune propriété légitime ; je ne leur ôte que le droit d’attenter à celle d’autrui ; je ne détruis point le commerce, mais le brigandage du monopoleur ; je ne les condamner qu’à la peine de laisser vivre leurs semblables. Or, rien, sans doute, ne peut leur être plus avantageux ; le plus grand service que le législateur puisse rendre aux hommes, c’est de les forcer à être honnêtes gens. Le plus grand intérêt de l’homme n’est pas d’amasser des trésors, et la pus douce propriété n’est point de dévorer la subsistance de cent familles infortunées. Le plaisir de soulager ses semblables, et la gloire de servir sa patrie, valent bien ce déplorable avantage.

A quoi peut servir aux spéculateurs les plus avides, la liberté indéfinie de leur odieux trafic ? À être, ou opprimés, ou oppresseurs. Cette dernière destinée, surtout, est affreuse. Riches, égoïstes, sachez prévoir et prévenir d’avance les résultats terribles de la lutte de l’orgueil et des passions lâches contre la justice et contre l’humanité. Que l’exemple des nobles et des rois vous instruise. Apprenez à goûter les charmes de l’égalité et les délices de la vertu ; ou du moins contentez-vous des avantages que la fortune vous donne, et laissez au peuple, du pain, du travail et des mœurs.

C’est en vain que les ennemis de la liberté s’agitent pour déchirer le sein de leur patrie ; ils n’arrêteront pas plus le cours de la raison humaine, que celui du soleil ; la lâcheté ne triomphera point du courage ; c’est au génie de l’intrigue à fuir devant le génie de la liberté. Et vous, législateurs, souvenez-vous, que vous n’êtes point les représentants d’une caste privilégiées, mais ceux du peuple français, n’oubliez pas que la source de l’ordre, c’est la justice ; que le plus sûr garant de la tranquillité publique, c’est le bonheur des citoyens, et que les longues convulsions qui déchirent les Etats ne sont que le combat des préjugés contre les principes, de l’égoïsme contre l’intérêt général ; de l’orgueil et des passions des hommes puissants, contre les droits et contre les besoins des faibles.

Rappelons- nous comment Rousseau définit l’égalité:

« Il ne faut pas entendre par ce mot que les degrés de puissance et de richesse soient absolument les mêmes, mais que quant à la puissance elle soit au- dessous de toute violence et que quant à la richesse, que nul citoyen ne soit assez opulent pour en pouvoir acheter un autre et nul assez pauvre pour être contraint de se vendre

Tout comme Saint-Just Robespierre va cherche l’égalité économique dans la limitation des fortunes et la multiplication des petits propriétaires. Mais aussi dans des mesures économiques qui préfigurent le socialisme des Égaux de Gracchus Babeuf.

Les Décrets de Ventôse

A la limitation du droit d’héritage et à l’établissement d’un impôt progressif sur le revenu, dont on n’exclura pas les pauvres pour « ne pas établir une classe de prolétaires » succède une série de lois dont le but avoué est d’éliminer les dernières traces du féodalisme. Ainsi les lois agraires du 3 juin 1793 prévoient la parcellisation des biens des émigrés et leur vente par petits lots payables en dix ans, de façon que les paysans pauvres puissent se porter acquéreurs ; la réglementation du 10 juin opère le partage égalitaire des biens communaux, plus de 8 millions d’arpents, par tête d’habitant; l’abolition sans indemnité des droits féodaux et des redevances et, le 17 juillet 1793, le partage gratuit pour les non-possédants des biens des ennemis de la Révolution.

Cependant toutes les mesures ne donnent pas les résultats escomptés. Pire, elles rencontrent une résistance sourde où les réformes égalitaires s’embourbent.

Le prix du saut qualitatif vers une révolution qui englobe l’organisation sociale tout entière, va se payer très cher.

Saint-Just mettait en épigraphe à son Essai de Constitution, l’avertissement « on ne peut pas régner innocemment», ajoutant dans son Premier Discours sur les célèbres décrets de Ventôse (26 février 94) : «Ceux qui font des révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau.».

Les décrets de Ventôse vont très loin dans le texte mais ils ne seront que très partiellement appliqués.

A ceux qui protestent, Robespierre jettera avec dédain : «Citoyens, vouliez-vous une révolution sans révolution?».

L’immoralité individuelle que provoque la richesse selon Robespierre, l’’injustice sociale qu’elle engendre, les deux fléaux ne semblent pas pouvoir être extirpés. Robespierre, en homme de son époque, confiant dans l’importance conjointe de la morale et du politique, plus exactement de la morale du politique, comme il le dit lui-même, décide alors de rallier les énergies de la nation autour du culte de l’Être suprême

Avec l’établissement de la religion civile, le culte de l’Etre suprême, et par de nouveaux appels à l’exercice de la vertu, il tente de les résoudre les contradictions auxquelles il se heurte. C’est une tentative de contournement des résistances que Robespierre ne relie que rarement à la question de la propriété


 

III) De 89 à 93 : une évolution dans les déclarations des droits de l’homme

 


 

Globalement, ce qui distingue la Déclaration de 1793 de celle de 1789, c'est la tendance égalitaire qui s'y exprime.

Ainsi dès l'article 3, il est prévu que « Tous les hommes sont égaux par nature et devant la loi. » L'égalité est aussi le premier droit présenté à l'article 2 (viennent ensuite la liberté, la sûreté et enfin la propriété). Pour les rédacteurs de la Déclaration de 1793, l'égalité n'est pas seulement civile (en droits), mais aussi naturelle (article 3).


 

La question qui se pose est de savoir comment aplanir ou compenser les inégalités sociales. Ainsi l'article 2 proclame le droit de tout citoyen à l'assistance publique, cet article reconnaît que la société est redevable au citoyen d'une assistance, d'un droit au travail, chaque citoyen en vertu de la Déclaration peut donc revendiquer un travail. Les invalides seront quant à eux pris en charge par l'État. L'article 22, quant à lui, proclame le droit à l'instruction, assuré par un système éducatif nouveau chargé de récupérer la charge anciennement assumée par l'Église.

Ces droits font partie de ce que l'on appellera la deuxième génération des droits de l'Homme, les droits économiques et sociaux. Ces droits, cette égalité naturelle, supposent une intervention accrue de l'État, ce qui est en accord avec le but qu'il se fixe à l'article premier : "le bonheur commun".

Extraits de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen (24 juin 1793)

Article premier

Le but de la société est le bonheur commun. Le gouvernement est institué pour garantir à l’homme la jouissance de ses droits naturels et imprescriptibles.

Article 2

Ces droits sont l’égalité, la liberté, la sûreté, la propriété.

Article 3 Tous les hommes sont égaux par nature et devant la loi.

4La loi est l’expression libre et solennelle de la volonté générale ; elle est la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ; elle ne peut ordonner que ce qui est juste et utile à la société ; elle ne peut défendre que ce qui lui est nuisible.

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Article 6 (la liberté)

La liberté est le pouvoir qui appartient à l’homme de faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d’autrui ; elle a pour principe la nature ; pour règle la justice ; pour sauvegarde la loi ; sa limite morale est dans cette maxime : Ne fais pas à un autre ce que tu ne veux pas qu’il te soit fait.

Article 7 (droit d'expression)

Le droit de manifester sa pensée et ses opinions, soit par la voie de la presse, soit de toute autre manière, le droit de s’assembler paisiblement, le libre exercice des cultes, ne peuvent être interdits. La nécessité d’énoncer ces droits suppose ou la présence ou le souvenir récent du despotisme.

Article 8 (sûreté)

La sûreté consiste dans la protection accordée par la société à chacun de ses membres pour la conservation de sa personne, de ses droits et de ses propriétés.

Article 9 (loi)

La loi doit protéger la liberté publique et individuelle contre l’oppression de ceux qui gouvernent.

Article 13 (présomption d'innocence)

Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.

Article 14 (non-rétroactivité)

Nul ne doit être jugé et puni qu’après avoir été entendu ou légalement appelé, et qu’en vertu d’une loi promulguée antérieurement au délit. La loi qui punirait des délits commis avant qu’elle existât serait une tyrannie ; l’effet rétroactif donné à la loi serait un crime.

Article 16 (droit de propriété)

Le droit de propriété est celui qui appartient à tout citoyen de jouir et de disposer à son gré de ses biens, de ses revenus, du fruit de son travail et de son industrie.

Article 19 (expropriation)

Nul ne peut être privé de la moindre portion de sa propriété sans son consentement si ce n’est lorsque la nécessité publique légalement constatée l’exige, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité.

Article 20 (de l'impôt)

Nulle contribution ne peut être établie que pour l’utilité générale. Tous les citoyens ont le droit de concourir à l’établissement des contributions, d’en surveiller l’emploi, et de s’en faire rendre compte.

Article 21 (des secours publics)

Les secours publics sont une dette sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler.

Article 22 (de l'instruction)

L’instruction est le besoin de tous. La société doit favoriser de tout son pouvoir les progrès de la raison publique, et mettre l’instruction à la portée de tous les citoyens.

Article 23 (souveraineté nationale)

La garantie sociale consiste dans l’action de tous pour assurer à chacun la jouissance et la conservation de ses droits ; cette garantie repose sur la souveraineté nationale.

Article 24 (responsabilité des fonctionnaires)

Elle ne peut exister, si les limites des fonctions publiques ne sont pas clairement déterminées par la loi, et si la responsabilité de tous les fonctionnaires n’est pas assurée.

Article 25 (souveraineté du peuple)

La souveraineté réside dans le peuple ; elle est une et indivisible, imprescriptible et inaliénable.

Article 26

Aucune portion du peuple ne peut exercer la puissance du peuple entier ; mais chaque section du souverain assemblée doit jouir du droit d’exprimer sa volonté avec une entière liberté.

Article 27

Que tout individu qui usurperait la souveraineté soit à l’instant mis à mort par les hommes libres.

Article 29

Chaque citoyen a un droit égal de concourir à la formation de la loi et à la nomination de ses mandataires ou de ses agents.

Article 30

Les fonctions publiques sont essentiellement temporaires ; elles ne peuvent être considérées comme des distinctions ni comme des récompenses, mais comme des devoirs.

Article 31

Les délits des mandataires du peuple et de ses agents ne doivent jamais être impunis. Nul n’a le droit de se prétendre plus inviolable que les autres citoyens.

Article 32

Le droit de présenter des pétitions aux dépositaires de l’autorité publique ne peut, en aucun cas, être interdit, suspendu ni limité.

Article 33

La résistance à l’oppression est la conséquence des autres droits de l’homme.

Article 34

Il y a oppression contre le corps social, lorsqu’un seul de ses membres est opprimé. Il y a oppression contre chaque membre lorsque le corps social est opprimé.

Article 35

Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.

Il convient de compléter ces extraits par un discours majeur : la proposition d’articles additionnels à la déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen par ">Maximilien de Robespierre (le 24 avril 1793). Les gras sont de RM)

« J'ai demandé la parole, dans la dernière séance, pour proposer quelques articles additionnels importants qui tiennent à la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.

Je vous proposerai d'abord quelques articles nécessaires pour compléter votre théorie sur la propriété; que ce mot n'alarme personne. Âmes de boue! qui n'estimez que l'or, je ne veux point toucher à vos trésors, quelque impure qu'en soit la source.(… ) ; il ne fallait pas une révolution sans doute pour apprendre à l'univers que l'extrême disproportion des fortunes est la source de bien des maux et de bien des crimes, mais nous n'en sommes pas moins convaincus que l'égalité des biens est une chimère. Pour moi, je la crois moins nécessaire encore au bonheur privé qu'à la félicité publique. Il s'agit bien plus de rendre la pauvreté honorable que de proscrire l'opulence. (…).

Posons donc de bonne foi les principes du droit de propriété : il le faut d'autant plus, qu'il n'en est point que les préjugés et les vices des hommes aient cherché à envelopper de nuages plus épais.

Demandez à ce marchand de chair humaine ce que c'est que la propriété : il vous dira, en vous montrant cette longue bière, qu'il appelle un navire, où il a encaissé et ferré des hommes qui paraissent vivants : Voilà mes propriétés, je les ai achetées tant par tête. Interrogez ce gentilhomme, qui a des terres et des vassaux, ou qui croit l'univers bouleversé depuis qu'il n'en a plus; il vous donnera de la propriété des idées à peu près semblables.

Interrogez les augustes membres de la dynastie capétienne; ils vous diront que la plus sacrée de toutes les propriétés est, sans contredit, le droit héréditaire, dont ils ont joui de toute antiquité, d'opprimer, d'avilir et de pressurer légalement et monarchiquement les 25 millions d'hommes qui habitaient le territoire de la France sous leur bon plaisir.(-)

Aux yeux de tous ces gens-là, la propriété ne porte aucun principe de morale. Pourquoi votre Déclaration des Droits semble-t-elle présenter la même erreur? En définissant la liberté, le premier des biens de l'homme, le plus sacré des droits qu'il tient de la nature, vous avez dit avec raison qu'elle avait pour borne les droits d'autrui; Pourquoi n'avez-vous pas appliqué ce principe à la propriété, qui est une institution sociale; comme si les lois éternelles de la nature étaient moins inviolables que les conventions des hommes? Vous avez multiplié les articles pour assurer la plus grande liberté à l'exercice de la propriété, et vous n'avez pas dit un seul mot pour en déterminer le caractère légitime; de manière que votre Déclaration parait faite, non pour les hommes, mais pour les riches, pour les accapareurs, pour les agioteurs et pour les tyrans. Je vous propose de réformer ces vices en consacrant les vérités suivantes :

« Art. 1er. La propriété est le droit qu'a chaque citoyen de jouir et de disposer de la portion des biens qui lui est garantie par la loi.

« Art. 2. Le droit de propriété est borné, comme tous les autres, par l'obligation de respecter les droits d'autrui.

« Art. 3. Il ne peut préjudicier ni à la sûreté, ni à la liberté, ni à l'existence, ni à la propriété de nos semblables.

« Art. 4. Toute possession, tout trafic qui viole ce principe est illicite et immoral.

Vous parlez aussi de l’impôt pour établir le principe incontestable qu'il ne peut émaner que de la volonté du peuple ou de ses représentants; mais vous oubliez une disposition que l'intérêt de l'humanité réclame. Vous oubliez de consacrer la base de l'impôt progressif. Or, en matière de contributions publiques, est-il un principe plus évidemment puisé dans la nature des choses et dans l'éternelle justice que celui qui impose aux citoyens l'obligation de contribuer aux dépenses publiques progressivement selon l'étendue de leur fortune, c'est-à-dire selon les avantages qu'ils retirent de la société. Je vous propose de le consigner dans un article conçu en ces termes :

« Les citoyens dont les revenus n'excèdent point ce qui est nécessaire à leur subsistance doivent être dispensés de contribuer aux dépenses publiques; les autres doivent le supporter progressivement, selon l'étendue de leur fortune. »

A la lecture d’un tel discours on comprend pourquoi dans le Tome VI de « l’Histoire Socialiste de la Révolution française » : la Convention.), après avoir exprimé des réserves sur les motivations de Robespierre et indiqué ses craintes sur les dérives du « robespierrisme », Jaurès écrit, à un moment où n’est pas facile de d’assumer ouvertement un tel choix :

« Je suis avec Robespierre, et c’est à côté de lui que je vais m’asseoir aux Jacobins. Oui, je suis avec lui parce qu’il a, à ce moment, toute l’ampleur de la Révolution » (p. 194).

Mais Robespierre ne sera pas suivi et ses amendements ne seront pas pris en considération.

Il a pris des risques considérables en s’en prenant et au négoce florissant des marchands d’esclaves, au droit héréditaire de la dynastie et en affirmant vouloir « borner » le droit de propriété. Il coalise contre lui l’ancien monde et le monde émergent de la classe bourgeoise

Son seul soutien et celui des Montagnards réside dans la masse des pauvres, chez les sans-culottes, dans la Commune de Paris qui joue un rôle considérable et sans laquelle la Convention qui faisait face aux armée étrangères, aux départements soulevés, aurait été balayée.

Le choc est inévitable d’autant que Robespierre, fin 1793, une fois la Vendée écrasée les armées étrangères repoussées, les révoltes girondines réprimées, se retourne contre les chefs de la Commune soutenus par le petit peuple parisien

Et la Terreur produit un denier surgeon, une loi effrayant celle du 10 juin 1794 qui prive tout accusé des droits de la défense

La question la propriété :

Après la Bastille et la Grande peur, l’Assemblée constituante ne peut qu’abolir les privilèges (mais si les privilèges honorifiques (les bans, les armoiries) sont supprimés les doits seigneuriaux sont déclarés rachetables.

Les féodaux perdent peu ; les paysans ne gagnent rien.

Les bourgeois et financiers comprennent vite l’intérêt du rachat.

Marat écrit le 21 septembre 89 (l’Ami du peuple) et il est quasiment seul à le dire à ce moment là :

« Si la plupart des concessions annoncées ne peuvent avoir qu’un effet éloigné, qu’aucune ne va au prompt soulagement de la misère du peuple et des maux de l'État, si l’on considère que c’est du pain dont les malheureux ont besoin. »

Très vite la question de la propriété va prendre une importance considérable.

La confiscation des biens de l’Église et la vente des biens du clergé pour régler en partie la crise financière amène une première réaction de Maury porte parole des monarchiens à l’assemblée, tournée vers les réformateurs bourgeois les plus radicaux :

« La propriété est une et sacrée pour nous comme pour vous. Nos propriétés garantissent les vôtres. Nous sommes attaqués » aujourd’hui mais ne vous y trompez pas. Si nous sommes dépouillés vous le serez à votre tour ».

Après la fuite du roi, élément de radicalisation considérable de toute la situation, le club des Jacobins scissionne et une aile républicaine se constitue.

Barnave a posé le problème de fond, le 15 juillet 91, avec une admirable conscience du processus et du potentiel de la situation :

« Allons nous terminer la révolution, allons nous la recommencer ? Un pas de plus serait un acte funeste et coupable

Vous avez rendu tous les hommes égaux devant la loi, vous avez consacré l’égalité civile et politique.

-un pas de plus dans la ligne de la liberté » ce serait la destruction de la royauté.

Un pas de plus dans la ligne de l’égalité serait la destruction e la propriété.

Si l’on voulait encore détruite quand tout ce qu’il fallait détruire n’existait plus où trouverait-on encore une aristocratie à anéanti si ce n’est celle des propriétaires ? »

Et il termine par la formule extraordinaire :

«  Il faut fixer la révolution. »

Quelques années plus tard, à l’aube de Thermidor Saint-Just répondra par la terrible formule tragique : « la révolution est glacée ! »

Quelques jours après la création du comité  de Salut public, la trahison du girondin Dumouriez qui passe aux armées ennemies (après Lafayette), la révolution est en péril à ses frontières comme à l’intérieur. Elle est sur le fil du rasoir. Dans les villes, l’effondrement des assignats et l’augmentation du coût de la vie provoque la crise des subsistances.

Robespierre avec une claire conscience de la nécessité de s’appuyer sur le petit peuple pour surmonter les hésitations de sa propre classe déclare le 2 décembre 92 :

« La première loi sociale et celle qui garantit à tous les membres de la société les moyens d’exister, toutes les autres lois sont subordonnées à celle là » (texte intégral précédemment cité).

La démocratie révolutionnaire de la Commune de Paris exerce une pression constante sur la Convention envahie à de nombreuses reprises et pèse en faveur d’une économie « dirigée. »

Le 23 juin 1793 l’enragé Jaques Roux lit une lette pétition à la convention dite « manifeste des enragés » :

« La liberté n’est qu’un vain fantôme quand une classe d’hommes peut affamer l’autre impunément. L’égalité n’est qu’un vain fantôme quand le riche, par le monopole, exerce le droit de vie et de mort sur son semblable. La république n’est qu’un vain fantôme quand la contre-révolution opère, de jour en jour, par le prix des denrées, auquel les trois quarts des citoyens ne peuvent atteindre sans verser des larmes »

Marx indique dans la sainte Famille :

« Le mouvement révolutionnaire qui prit naissance en 1789 et qui avait pour représentant Leclerc et Roux et qui finit pas succomber après la conspiration de Babeuf avait fait éclore l’idée communiste que Buonarraroti, l’ami de Babeuf, développa en France après la révolution de 1830

Cette idée élaborée avec conséquence c’est le nouvel ordre du monde »

Mathiez accorde aussi quant à lui une grand place aux enragés mais Jaurès met davantage en avant Babeuf : « ils(les enragés) n’avaient pas l’ampleur d’esprit d’un Babeuf. »

Certes, mais Kropotkine lui répond fort justement dans son livre la grande Révolution : « En 93 les idées communistes ne s’élaboraient pas dans les cabinets d’étude, elles surgissaient des besoins du mouvement. »

Marx lui-même ne cessera de scruter ces besoins du moment et à travers la révolution de 1848, à travers la Commune. Il ne cessera de chercher comment le communisme, (c’est-à-dire pour lui le mouvement pratique qui abolit d’état réel des choses), se fraye une voix et dégage les solutions concrètes adaptées à son projet émancipateur.

Hugo dans son roman 93 concentre mieux que bien des historiens cette période terrible de notre histoire :

La Convention dégageait de la Révolution, une assemblée fournissait de la Civilisation.

Fournaise mais forge. Dans cette cuve où bouillonnait la terreur, le progrès fermentait. (…)

La Convention promulguait ce grand axiome :

La Liberté du Citoyen finit où la Liberté d'un autre Citoyen commence.

Ce qui résume en deux lignes toute la sociabilité humaine.

Elle déclarait l'indigence sacrée,

Elle déclarait

- l'infirmité sacrée dans l'aveugle et le sourd devenus pupilles de l’Etat,

- la maternité sacrée dans la fille mère qu'elle consolait et relevait,

- l'enfance sacrée dans l'orphelin qu'elle faisait adopter par la Patrie,

- l'innocence sacrée dans l'accusé acquitté qu'elle indemnisait.

Elle flétrissait la traite des noirs : elle abolissait l'esclavage (1)

Elle proclamait la solidarité civique.

Elle déclarait l'éducation gratuite. Elle organisait l'éducation nationale.

Elle organisait l'éducation nationale

- par l'école normale à Paris,

- l'école centrale au chef lieu

- et l'école primaire dans la commune.

Elle créait la conservation et les musées.

Elle décrétait l'unité de code, l'unité de poids et de mesure, et l'unité de calcul par le système décimal.

Elle fondait les Finances de la France, et à la longue banqueroute monarchique, elle faisait succéder le crédit public.

Elle donnait à la circulation le télégraphe, à la vieillesse les hospices dotés, à la maladie les hôpitaux purifiés, à l'enseignement l'école polytechnique, à la science le bureau des longitudes, à l'esprit humain l'Institut.

En même temps que nationale, elle était cosmopolite.

Des onze mille deux cent dix décrets qui sont sortis de la Convention, un tiers a un but politique, les deux tiers ont un but humain.

Elle déclarait la morale universelle base de la société et la conscience universelle bases de la loi.

Et tout cela, servitude abolie, fraternité proclamée, humanité protégée, conscience humaine protégée (…), enfance éclairée et assistée, lettres et sciences propagées, lumière allumée sur tous les sommets, aide à toutes les misères,

Cette promulgation de tous les principes la Convention le faisait, ayant dans ses entrailles cette hydre, la Vendée et sur les épaules ce tas de tigres : les rois d’Europe »

Quelques précisions sur la question de l’esclavage à laquelle Yves Bénot consacre une livre riche précis et passionnant (cf. bibliographie)

Sur cette question Montesquieu reste extrêmement timoré. Il faut attendre Rousseau, (dans le Contrat social), l’Encyclopédie (article " traite ") et surtout Condorcet (« Réflexions sur l’esclavage des nègres »), pour qu’une dénonciation théoriquement argumentée apparaisse.

Parallèlement une critique d’ordre économique de l’esclavage conteste son efficacité économique et sociale. Elle se réfère à la pensée libérale qui s’affirme d’abord en Angleterre : Adam Smith déclare dès 1776 que " l’ouvrier libre a sur l’esclave la supériorité, car la contrainte ne rend pas l’homme inventif, zélé, intelligent ", argument repris par Jean-Baptiste Say.

En 1788 nait - sur le modèle d’associations déjà existantes en Angleterre et aux Etats-Unis -la Société des Amis des Noirs, créée par Brissot de Warville, à laquelle adhèrent Mirabeau, Pétion, Le Peletier de Saint-Fargeau, Sieyès, l’abbé Grégoire …. Son programme est prudent : non pas la libération immédiate des esclaves, mais l’abolition progressive de la traite et un processus d’affranchissement qui tariraient, à terme, les sources de l’esclavage, et, en juillet 1789, la société demande ’accès des hommes de couleur libres aux droits politiques.

Malgré les principes de liberté et d’égalité des droits proclamés par l’Assemblée Constituante, celle-ci n’a rien changé à la situation des esclaves. En mars 1790, elle place les colonies sous un régime différent de celui du royaume quand les lois " pourraient être incompatibles avec leurs convenances locales et particulières ", ce qui implique le maintien de l’esclavage. Le " lobby " esclavagiste, des " députés " blancs de Saint-Domingue et des députés des grandes places maritimes représentant les armateurs et négociants, fait prévaloir ses vues et dénonce la Société des Amis des Noirs comme responsable des troubles dans les colonies à partir de 1790.

En définitive, le facteur décisif qui précipitera le processus d’abolition, ce seront les mouvements de révolte qui agitent alors les îles.

Le déclenchement de la Révolution française a constitué un ferment favorable à l’action des esclaves. Face à l’inertie de la métropole et à l’intransigeance des colons, la révolte d’esclaves qui se déclenche à Saint-Domingue en 1791 est directement à l’origine du décret d’abolition pris par la Convention en 1794.

Les Noirs révoltés, sous la direction de Toussaint Louverture, risquent en effet de prendre le pouvoir. Les grands colons, antirévolutionnaires mécontents du régime de la Convention qui gêne leur commerce avec l’Amérique, sont tentés par la sécession. Enfin, toutes les colonies françaises des Antilles sont menacées d’attaques anglaises et espagnoles. L a Convention décide donc de parlementer avec Toussaint Louverture, qui arrache la libération des esclaves de Saint-Domingue en août 1793, décision entérinée par la Convention qui, pour garder les Antilles, n’a plus comme seul moyen que d’armer les esclaves pour que, citoyens libres, ils défendent leur sol… : c’est le décret d’abolition dans toutes les colonies, en février 1794.

Le décret très général n’est suivi d’aucune mesure précise d’exécution ; et l’abolition reste théorique, sauf à la Guadeloupe, et à Saint-Domingue qui conquiert son indépendance.

Bonaparte, sensible aux arguments du " lobby " colonial auquel il est lié par Joséphine de Beauharnais, rétablira dès 1802 l’esclavage et la traite.

Ce sera la révolution de février 1848 qui réalisera l’abolition.

Schoelcher, sous-secrétaire d’Etat aux colonies, convainc les autorités, d’abord réticentes, de la nécessité de l’abolition pour éviter une rébellion générale.

Et surtout, comme en 1790, la révolution de 1848 suscite dans les îles des révoltes qui contraignent les gouverneurs à proclamer la liberté avant même l’arrivée des consignes métropolitaines. Le décret du 27 avril 1848, qui proclame l’émancipation immédiate de tous les esclaves, devenant citoyens à part entière, entérine une situation existante. Encore faut-il remarquer que, respectant le sacro-saint droit de, propriété, le texte prévoit une indemnisation pour les colons propriétaires d’esclaves, d’ailleurs variable selon les colonies.

Les décrets de Ventôse de février et mars 94 mettent en place une économie dirigée, une démocratie sociale à la fois imprécise, chaotique et utopique.

ET l’étau se desserre sur Robespierre et ses amis.

Les victoires se multiplient contre les armées étrangères et Barère, très lucide, commente : « ces victoires s’acharnent contre Robespierre ».

Quant à la Fête de l’Etre suprême, un grand succès, elle inquiète tous les ennemis de Robespierre.

Le temps de la terreur a fait son temps. Saint Just sent venir la fin et s’exclame « la révolution est glacée. »

C’est Thermidor (juillet 94).

Robespierre et Sain Just sont guillotinés après une tentative, qui échoue, de libération par la commune de Paris, un an exactement après la liquidation des Egaux et de Babeuf

Le 23 juin 1795 Boissy d’Anglas prononce le discours programme de la bourgeoisie thermidorienne qui est en même temps une véritable réponse à Rousseau :

 

Nous devons être gouvernées par les meilleurs : les meilleurs sont les plus instruits et les plus intéressés au maintien des lois ; or à bien peu d’exception près, vous ne trouverez de pareils hommes que parmi ceux qui possédant une propriété sont attachés au pays qui la contient, aux lois qui la protège à la tranquillité qui la conserve

Un pays gouverné par les propriétaires est dans l’ordre social ; celui où les non propriétaires gouvernent est dans l’Etat de nature.

Et la Déclaration des droits et devoirs de l’homme et du citoyen de 1795 marquera une rupture par rapport à celle 1789, mais surtout à celle de 1793. Elle est en effet issue des débats houleux au sein de la Convention thermidorienne, marqués par la destitution du gouvernement révolutionnaire de Robespierre, le 9 thermidor an II (27 juillet 1794) et porte l'empreinte d'une assemblée bourgeoise.

Une bouclée est bouclé mais un spectre se prépare déjà à hanter l’Europe celui du communisme pour reprendre la formule de Marx dans le Manifeste du Parti communiste.

 

Annexe

Droits individuels et collectifs, droits-libertés et droits-créances :

La postérité de cette période historique du point de vue constitutionnel : la constitution de 1946

La conception et la définition des libertés et droits a changé selon les époques. Aux droits individuels, les « droits-libertés », se sont ajoutés des droits collectifs et les droits-créances.

1. Les droits individuels, des droits-libertés

Les premières déclarations des droits sont inspirées par une philosophie libérale reposant sur l’individu. Dans la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 aucune référence n’est faite à des groupes, des associations ou des formes collectives d’organisation sociale. Les droits énoncés sont des droits individuels. Ce sont des droits-libertés, c’est-à-dire des droits qui ne s’accompagnent d’aucune obligation pour l’Etat de les mettre en œuvre. En 1792 le girondin Bancal des Issarts écrit – : » le gouvernement le meilleur est donc celui qui gouverne le moins » Du nouvel ordre social.

C’est le credo de tous les libéraux de tous temps.

2. Droits collectifs et droits-créances

À partir du XIXe siècle, les textes constitutionnels et législatifs accordent une place aux droits collectifs et aux droits-créances, sous l’effet d’intenses luttes sociales.


 

Ainsi le préambule de la constitution du 27 octobre 1946 donne une place importante aux droits collectifs, aux droits reconnus à une personne juridique plus "large" qu’une personne physique. En commençant par la famille

Une remarque : il l faut distinguer les droits créances de 46 et le droit opposable individuel d’aujourd’hui. Les droits créances procèdent de droits collectifs reconnus qui doivent être assumés par l’Etat. Le droit opposable appelle le citoyen à solliciter l’Etat pour un droit personnel dans une démarche individuelle.

Le préambule de 1946 énumère des droits-créances, droits qui impliquent une action effective de l’État.

Par exemple il reconnaît le droit, pour chacun, d’obtenir un emploi, droit déjà énoncé par la constitution de la Deuxième République en 1848. De plus, le préambule reconnaît à tous, " notamment à l’enfant, à la mère, aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ".

Le préambule de la Constitution de 1946 énonce des principes considérés "comme particulièrement nécessaires à notre temps".

Ceux-ci portent principalement sur les droits des travailleurs et les droits sociaux, mais ils concernent également le droit international. Sont mentionnés :

  • le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi

  • le droit à l'action syndicale

  • le droit de grève

  • le droit à la participation et à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises

  • la nationalisation des services publics nationaux ou des monopoles de fait

La Nation garantit en particulier :

- le droit à la protection de la santé

- la sécurité matérielle

-le repos et les loisirs, notamment pour l’enfant, la mère et les vieux travailleurs

-le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence

- l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture

- la garantie pour la femme, dans tous les domaines, de droits égaux à ceux de l'homme

- le droit d'asile sur le territoire de la République pour toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté

Profondément marqué par le programme du Conseil national de la Résistance les textes de 46 opèrent un mouvement de l’homme abstrait vers l’homme situé socialement en affirmant des principes nouveaux, économiques et sociaux, qui concernent les individus dans leurs activités sociales collectives.

Mais ces textes sont aussi marqués par une limite : il manque la volonté politique de les faire vivre, de les appliquer.

Au lendemain de 1945 la bourgeoisie française fait des concessions car elle craint de tout perdre (ce sont d’ailleurs toutes ces concessions qui sont aujourd’hui dans le collimateur ; la sécurité sociale, le service public et le statut de fonctionnaire d’Etat, les libertés syndicales et la loi de 1950 sur les conventions collectives ….)

Elle doit procéder à des nationalisations toutes remise en cause depuis par la gauche comme par la droite

De Gaulle lâche du lest mais reste ferme sur l’essentiel «  un seul Etat, une seule armée, une seule police ». Les aspirations révolutionnaires qui se manifestent dans diverses régions et les intenses mobilisations de la classe ouvrière sont contenues et subordonnées au cadre fixé par les traités de Yalta et Postdam de partage du monde,

Et la constitution de 1958 ?

L e préambule de la Constitution française de 1958 renvoie à deux textes fondamentaux : à la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 et au Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

Que la constitution bonapartiste de la Vème République (cette constitution que Mitterrand appelait « le coup d’Etat permanent » avant d’être élu et de se couler dans le moule…), dans ses multiples dispositions anti - démocratiques visant à limiter les doits législatifs de la représentation nationale - article 13, par exemple- et à renforcer les prérogatives autoritaires du chef de l’Etat) ait subverti par le texte et la pratique les avancées de la constitution de 46 c’est un fait aisément vérifiable

Mais qu’il ne se soit pas trouvé de députés (les élus du peuple…. ) pour utiliser le préambule de 46 afin de tenter protéger les droits collectifs , et le droit au travail…montre à quel point le renoncement aux combats pour la démocratie est devenu monnaie courante.

Par exemple la nationalisation du système bancaire serait donc à ce point aberrante et inadaptée après ce que la spéculation financière a révélé au grand jour ?

(1) Le projet d’avril 1946 - qui n’a pas été approuvé - intégrait une déclaration des droits qui rappelait l’attachement de la société aux principes antérieurement proclamés en 1789 et en 1848 et y ajoutait des libertés dites « collectives ».

Le projet de Constitution d’octobre 1946 approuvé, lui, par voie référendaire se contente d’une référence aux principes de 1789, et ne cite pas la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen

Bibliographie succincte

Un livre remarquable auquel nous devons beaucoup tant sur le plan des citations que sur celui des commentaires : « Contre nous de la tyrannie » de Josiane Boulad Ayoub…

Sur la révolution : les ouvrages de Michelet, de Michel Vovelle, Jaurès, Mathiez, Soboul … et « la Révolution française » de Jean Pierre Bertaud (Tempus).

Et les livres de Furet dont nous ne partageons certes ni les analyses ni les conclusions mais qu’il faut lire … pour en discuter les thèses.

Signalons dans « Le moment républicain en France » (Essais Gallimard) de Jean Fabien Spitz le chapitre I « le crépuscule de la République » qui contient une critique très argumentée et très acérée de Furet (critique utilisée par Peillon dans ses livres récents sans toujours citer la source…)

Paul Hasard : La pensée européenne au XVIIIème siècle

Ernest Cassirer : La Philosophie des Lumières

G Chaussinand Nogaret : Le citoyen des Lumières, éd Complexe

Roger Chartier Les origines culturelles de la Révolution française (Point Histoire au Seuil)

Tzvetan Todorov : L’esprit des Lumières (Robert Laffont)

Les classiques du Peuple aux Editions sociales

Yves Bénot : la Révolution française et la fin des colonies 1789-1793 (La découverte Poche)

Daniel Guérin : Bourgeois et bras nus, 1793-1795 (idées, Gallimard, 1973)

De nombreux articles sur le Révolution française dans les « Cahiers du mouvement ouvrier(CERMTRI) et les cahiers du CERMTRI consacrés à la période révolutionnaire 89-93

Et pour une vue d’ensemble à l’échelle du continent l’excellent livre de Eric J. Hobsbawm : l’Ere des révolutions, 1789-1848 (premier volume d’une trilogie remarquable (Hachette littérature, Pluriel)


 

Une seconde bibliographie portant plus précisément sur « Mouvement ouvrier et Lumières » conclura le texte de la seconde partie de la conférence


 

 


 

Commentaires

bonjour,
Je n'ai pas pu aller assister à la conférence "Le Mouvement ouvrier, héritier des Lumières" , nul besoin pour ma part de point d'interrogation car la conférence de RM prouve s'il en était besoin la continuité et l'héritage communs.
J'ai donc imprimé les 36 pages, chapeau l'artiste! car je les ai lues ces pages avec lenteur pour m'en imprégner avec la plus grande attention. Peut-être parce que j'aime l'Histoire et la littérature, un peu de mes matières préférées, j'ai apprécié tout ce qui a été écrit, on sent un grand et gros labeur dans cet exposé où les preuves sont apportées avec sources lumineuses, cela a dû demander du temps mais ainsi on sait, du moins pour ma part, que l’on ne se moque pas des assistants en leur apportant du pré-fabriqué.
J'y ai découvert un Robespierre ignoré suite à ses beaux et grands discours rapportés p.20 à24, puis p.27-28, une sorte de pré-marxiste avant l'heure ou un Prince correspondant à la grave situation du moment, un peu comme dans le livre de Denis Collin "Comprendre Machiavel"?, ce qui change des révisionnistes "historiens" trop occupés à refaire l'Histoire, à la réécrire genre roman rose, à changer ce qu'a été la nuit de Varennes, à encenser Marie-Antoinette et ses brioches dans sa "petite ferme" versaillaise, etc.
Vivent Rousseau, Hugo, Hobsbawm, Denis…Diderot, Michelet, etc.
J'attendrai patiemment la 2ème partie annoncée et pour le retour urgent aux acquis du CNR on attendra encore longtemps !? Tous les murs ne sont pas tombés, toutes les guerres ne sont pas finies.
Signé Optimisme-pessimisme ou le contraire
(ps : je n’ai jamais lu Furet et n’en ai aucun désir, je pense que ce n’est ni une tare d’ignorante ni un manque ?)


 

 

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