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Les livres de l'Université Populaire d'Évreux


 Le pouvoir des médias, les médias du pouvoir…

Conférence de Jacques Cotta 13 avril 2012

 

Plan
A/ Introduction :

B/ Quelques principes de base qui permettent de guider la réflexion et de fixer les enjeux et d’apprécier ce qu’est aujourd’hui le pouvoir des médias, et surtout ce qu’il devrait être :

C/ Les amitiés économiques et politiques…

D/ Dans cette configuration, on comprend mieux que les médias sont truffés d’hommes politiques soit à la « ramasse », soit placés pour les contrôler … les médias du système, le système des médias passe par là.

E/Et le public dans tout cela ?

F/ un mot sur les personnels…

G/ Que faire ?

On pourra pour la critique des médias se reporter au site internet « Acrimed »… De même à quelques ouvrages tels « les chiens de garde ».
 

A/ Introduction :

Parmi les idées les plus courantes :

Le pouvoir des médias : ils font et défont les pouvoirs, les puissants, et pourquoi pas les conseils d’administration et autres lieux de décision…

Les médias du pouvoir : ils sont aux ordres, ils sont veules, ils sont creux, ils obtempèrent et pire, ils devancent parfois la volonté des puissants…

Derrière ces caricatures, qui comme toutes caricatures recèlent quelque chose de vrai, il faut s’interroger sérieusement sur les médias en les replaçant dans le contexte politique et économique dans lequel ils évoluent, et en partant des enjeux dont on peut souligner les suivants :

1-c’est au regard de la démocratie –c'est-à-dire le débat d’idées permettant de gérer nos vies- qu’il faut se questionner sur la place des médias dans la société, leur relation au pouvoir, leur degré d’indépendance et de liberté…. En parlant des médias, nous parlerons aussi et surtout des personnes qui en sont les acteurs principaux : les journalistes, les responsables, les patrons et tenterons d’apprécier la réalité des rapports sociaux qui déterminent leur relation au pouvoir.

2-Les exemples abondent qui permettent de répondre en termes négatifs aux questions que nous pouvons nous poser. Le rejet des médias est important. Quelques exemples qui montrent l’absence d’indépendance des médias? Dans les derniers temps, marqués par la campagne électorale :

-les positionnements symétriques de Libération et du Figaro qui roulent chacun en ayant choisi leur camp. C’est leur droit, mais l’ambiguïté vient du fait qu’ils ne le disent pas. Ils veulent entretenir une apparence « d’objectivité »… Mais l’objectivité n’existe pas… Un journaliste, un documentariste, un homme de presse doit respecter les faits, mais ce qu’il en restitue est un « point de vue », sa compréhension, le sens qu’il donne aux évènements…

-Dernièrement le numéro du « nouvel obs » sur Jean Luc Mélenchon… Photos truquées au bénéfice d’un discours dicté par le souci de voir baisser le candidat du front de gauche…

-L’affaire Merha, l’information en boucle entretenant le discours officiel sur le terrorisme, Al Quaïda, etc… et donc complicité sur la disparition de la question sociale, sans aucun recul.

-Plus loin, l’attitude médiatique vis-à-vis de l’Irak par exemple… de la fille de l’ambassadeur à mon histoire à France 2 « dans le secret de Bagdad Business… », documentaire controversé dans la chaîne car allant contre la volonté générale des politiques et des médias de justifier l’opération militaire… Sans considération politique, et humaine, autre que celle dictée par l’air ambiant : leur « mettre sur la gueule » !

-Ou encore les descentes de police organisées par le pouvoir, filmées et commentées… Lorsqu’il faut mettre en exergue la délinquance…

-Aspect plus politique, le non censuré dans les médias en 2005… Une presse aux ordres ?

-Ou Pujadas face au délégué de continental… « Vous avez tout cassé » !

-Ou Billalian avec les grévistes autour du brasero en 95… sur le blocage du pays… qui n’ont aucune possibilité de parler alors que sur le plateau les ministres ont tout le loisir de « blablater »…

Etc….

3-Il est donc fréquent de mettre en cause les médias pour leur proximité au pouvoir… Mais cela est-il bien juste ?

On constate en effet que les pouvoirs changent sans que les médias ne rentrent dans l’opposition… Les mêmes étaient « à la botte » –à l’écoute complaisante dirons-nous- de Mitterrand, de Chirac, de Jospin, de Sarkozy… Chacun gardant une posture, souvent interchangeable… Mais pour l’ensemble, c’est le système qui compte…

Plus que les médias du pouvoir, ne faudrait-il pas parler des médias du système, ce qui permet de comprendre cette souplesse pour s’adapter aux changements de personnel politique… Des pressions de droite comme de gauche sur les médias sont une constante … La même écoute, les mêmes réticences, et la même discipline… Même si dans ce domaine comme dans bien d’autres –la destruction des acquis sociaux par exemple- Nicolas Sarkozy n’a rien inventé mais a terriblement accentué, aggravé un processus déjà bien engagé, avec un talent assez particulier. Nous y reviendrons.

Tout cela pose donc la nécessité de remettre les médias dans leur contexte en prenant garde de différencier : la presse écrite nationale, la PQR, la télévision et les radios, Internet… sans oublier la presse gratuite… et les embryons qui peuvent encore exister, mais à l’état rachitique, la presse d’opinion…

 

B/ Quelques principes de base qui permettent de guider la réflexion et de fixer les enjeux et d’apprécier ce qu’est aujourd’hui le pouvoir des médias, et surtout ce qu’il devrait être. Un peu rébarbatif, mais nécessaire avant d’en venir à quelques exemples plus affriolants.

1/ Dans l'article 11 de la « Déclaration française des droits de l'homme et du citoyen de 1789 » on peut lire:

« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. »

La question des médias, de la presse au sens large, est donc liée étroitement à celle de la démocratie. Les pressions politiques ou économiques qu’ils subissent reviennent à remettre en cause un des piliers fondamentaux de la démocratie, la liberté d’opinions, la liberté d’expression et leur exercice.

On voit donc la restriction que fait peser le système dés lors que les médias sont ceux du pouvoir. Il ne s’agit pas d’une question purement technique, corporatiste, utilitariste, mais bien d’un enjeu républicain…

2/ Les médias sont plus que de simples véhicules potentiels de la liberté d’opinion. La liberté de la presse, dégagée donc des entraves du pouvoir, est considérée par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) comme une composante de la liberté d'expression.

L’article 10 de la « Convention européenne des droits de l'homme » indique en effet :

« a/. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations.

 

Donc nous avons là également l’affirmation du principe de la liberté d’expression liée à la souveraineté des états notamment pour les régimes d’autorisation, mais cadrée par l’exigence de liberté.

 
L’article 10 de la CEDH dit aussi :

b/. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. »

 

Il s’agit donc d’une liberté organisée, qui dans le principe n’a rien de discutable, avec le risque évidemment de voir les arrières pensées se cacher là pour imposer toute sorte de restrictions et de pressions….

 

3/ Par ailleurs, la protection des sources journalistiques est considérée comme « l'une des pierres angulaires de la liberté de la presse »[].

Deux exemples qui donnent le contenu de la remise en question de la protection des sources :

-l’Irak… avec mon sujet sur les ventes d’armes à Saddam Hussein et Thomson… Les tentatives pour obtenir les contacts qui m’auraient fourni la comptabilité du vendeur d’armes qui avait fourni des obus à L’Irak… Céder cela revient à interdire le journalisme dérangeant, dit « d’investigation ».

-Le canard enchainé sur Calvet patron de Peugeot et la publication de ses feuilles de paie… alors qu’il refuse une augmentation aux ouvriers…

On comprend mieux l’affaire des « fadettes » qui met aux prises le juge Courroye et des journalistes du Monde, écoutes téléphoniques, relevés d’appels, tentatives de trouver les sources, et donc d’interdire le libre exercice de la profession, donc la liberté des médias à propos de l’affaire Bettencourt.

 

4/« La liberté d'expression vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent : ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture sans lesquels, il n'est pas de « société démocratique ».

Mais en même temps, l’exercice de cette liberté nécessite de concilier les autres principes, qui font des médias un des rouages d’un fonctionnement républicain respectueux des principes démocratiques :

-la présomption d’innocence et son respect : condamnation par exemple de July et Tourancheau de « libération » pour avoir divulgué avant procès les conditions d’un meurtre par le détail…

-Le droit à l’image respecté, mais sans abus : Hachette Filipacchi contre Johnny Hallyday. Mais là, personnage public… qui a fait état avant la presse de faits, notamment sur son mode de vie… Donc Hallyday est débouté.

 

5/ partant de ces données schématiques de base, on peut commencer à aborder le pouvoir du système sur les médias ou encore la transformation en médias du pouvoir :

a/ -Un certain nombre de faits depuis 2007, l’élection de Nicolas Sarkozy à la tête de l’état, illustre la façon dont a été accélérée la dérive médiatique :

Peur dans les médias et sanctions pour les contrôler sont devenus la règle. La télévision suisse romande a rendu compte dans un documentaire diffusé en juin 2009, « Sarkozy, vampire des médias » dans le magazine « temps présents » des pratiques politiques à l’égard des médias…

b/-L’intervention ou la présence dans les médias français en toute circonstance de Nicolas Sarkozy est évaluée à 3 ou 4 fois plus importantes que celle de ses prédécesseurs.

Couvertures d’hebdos, compte rendu de vacances, présence sur le Yacht de Bolloré… Pour l’image, il excelle… Et dit d’ailleurs aux acteurs qu’il croise : « vous savez, on fait le même métier ». Les médias sont donc au service d’une mise en scène… Par exemple les voyages officiels, la Camargue à cheval sauce Poutine, avec une centaine de journalistes sur une charrette pour prendre l’image… Le cadre général est accepté par les représentants des médias : quadrillage policier, interdiction de se déplacer, de questionner… La presse est au pas. On accepte ici ce qu’on fustige dans les dictatures connues. Exemple, l’Irak…

c/-Les pressions et mises à pied :

L’affaire des fous du roi avec Didier Porte, puis Stéphane Guillon sur France Inter… Le Directeur de radio France n’est pas renouvelé car Stéphane Guillon s’est « lâché » sur DSK…Le fait est emblématique de la liberté d’expression alors qu’il ne fait qu’aborder une histoire secondaire sur DSK… Il s’agit alors d’en faire un cas d’école et une valeur d’exemple. Guillon a été àla radio ce que la Grèce est à l’Europe, un exemple et un avertissement de ce qui s’annonce. D’autant qu’il raille les « histoires de culs » qui quelques mois plus tard feront la « une » de tous les médias… Etait-ce trop tôt ?

d/-Tout cela conduit à la création d’une cour, qui comme dans toutes cours possède ses amitiés, ses complots, ses inimitiés entretenues avec l’art du fameux off…

Dans les voyages officiels, 100 journalistes, ses favoris d’un jour, l’envie d’être adoubé de la part des convives, les reproches violents un autre jour (un biographe gentil traité de crétin)… Tout cela crée des réflexes de docilité et lâcheté complice. Exemple, l’histoire de Joffrin en janvier 2008 : il le met en cause sur le pouvoir personnel, parle d’une « monarchie élective ». Réponse d’abord sur le ton de l’humour gêné, puis Nicolas Sarkozy l’accuse de dire des bêtises, puis emploie des termes menaçants… La presse de révérence se révèle car si le monarque tape, les gens sourient. Il n’y a pas de révolte… Pas d’impertinence… L’assistance de journalistes se transforme de fait en sujets…

e/Pour la PQR, mêmes difficultés concernant les pressions nationales auxquelles s’ajoutent celles dues entre autre à la proximité du pouvoir local : exemple de Xavier Bertrand en 2010 avec le journaliste du courrier picard sur télé sénat, ou encore de Guérini à marseille avec la presse locale concernant les rivalités internes au PS… Les exemples abondent…

f/-Le résultat :

D'après Jean-François Julliard, secrétaire général de « Reporters sans frontières » international, la France est devenue le premier pays européen en termes de perquisitions dans les rédactions et de journalistes mis en examen ou placés en garde-à-vue[]… Pire que les derniers entrants dans l’union européenne…

 

C/ Les amitiés économiques et politiques…

Remarque : dans la partie qui suit, les biens des grands groupes qui sont cités devront être actualisés… Souvent les phénomènes de concentration conduisent à des modifications, mais globalement les oligarchies décrites, les puissances économiques, politiques, financières et médiatiques ont là une place qui leur revient…

Comment comprendre et expliquer cette révérence des médias à l’égard des pouvoirs ?

Partons du souci affirmé par le Conseil National de la Résistance dans le programme visant la reconstruction nationale. Le CNR proclame :

 « La pleine liberté de pensée, de conscience et d’expression; la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances d’argent et des influences étrangères ».

Ainsi, on ne peut comprendre la relation des médias au système et donc au pouvoir si on ne part pas de la constitution d’une oligarchie qui concentre dans ses mains pouvoir économique, médiatique et politique… Tout ce beau monde se mélange, soit par liens familiaux, soit par mariage, soit par héritage…

Pour l’anecdote : Tel journaliste connu marié à tel homme ou femme politique, ou simplement en couple à un moment ou un autre, Ockrent Kouchner, Drucker Baroin, DSK Sinclair, Hollande Trierweiler, Pulvar Montebourg, Borloo Schonberg… Ou encore par héritage… L’histoire a généralisé la méthode Françoise Giroud à l’express… Prendre les infos à la source… D’où, sans misogynie aucune, la féminisation de la profession, symétrique de la masculinisation du monde politique…

 

Plus sérieusement, L’oligarchie, ce sont entre autre :

èLagardère, qui se baptise lui-même le frère du président, qui possède outre l’armement, Matra, un empire de presse :

a/Lagardère publishing :

avec l’édition, Hachette, Deuxième éditeur de livres grand public et d’éducation dans le monde (premier français, premier anglais, deuxième espagnol, cinquième américain), Lagardère Publishing est une fédération de maisons d’édition unies par des règles de gestion communes, un effort concerté dans le domaine du développement numérique et une coordination stratégique face à la concurrence. Elle regroupe les marques de Hachette Livre qui proposent chaque année plus de quinze mille nouveautés dans les domaines de la littérature générale, de l'éducation, de la jeunesse, du pratique, du livre illustré, des dictionnaires et encyclopédies, auxquels s'ajoute l'édition de fascicules, vendus en kiosque.

b/Lagardère Active :

Créateur de contenus multimédias et agrégateur sur tous les supports, Lagardère Active est organisé en six métiers principaux : la presse magazine (ELLE, Paris Match,...), la radio avec des marques généralistes (Europe 1) et musicales (Virgin Radio, RFM...), la télévision sur la TNT gratuite (Gulli et en offre payante Canal J), la production audiovisuelle (GMT Productions, Image & Compagnie...), le numérique couvrant internet (Doctissimo.fr,…) les mobiles et les tablettes, ainsi que la publicité.

 
 
èBouygues, le béton et la une…
 

Bouygues, c’est la construction, l’immobilier, les télécoms, les médias…

L’intrusion principale dans les médias s’opère en 1987 avec la privatisation de TF1

C’est aussi : LCI… Eurosport, NT1, TV Breizh, Stylia, Histoire, 80 % de TMC, 50 % de TF6 et de Série Club, et 100 % de l'édition française de presse gratuite, Métro).

Patrick Le Lay donne le contenu des relations entre les médias et le système :

« « Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective 'business', soyons réaliste : à la base, le métier de TF1, c'est d'aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit.

[…]

Or pour qu'un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c'est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible.

[…]

Rien n'est plus difficile que d'obtenir cette disponibilité. C'est là que se trouve le changement permanent. Il faut chercher en permanence les programmes qui marchent, suivre les modes, surfer sur les tendances, dans un contexte où l'information s'accélère, se multiplie et se banalise…

[…]

La télévision, c'est une activité sans mémoire. Si l'on compare cette industrie à celle de l'automobile, par exemple, pour un constructeur d'autos, le processus de création est bien plus lent ; et si son véhicule est un succès il aura au moins le loisir de le savourer. Nous, nous n'en aurons même pas le temps ! […] Tout se joue chaque jour sur les chiffres d'audience. Nous sommes le seul produit au monde où l'on 'connaît' ses clients à la seconde, après un délai de vingt-quatre heures. »

Et il analyse ainsi les rapports entre culture et audimat :

« On ne vit plus qu'avec les chiffres de l'audimat. [...]. Passer une émission culturelle sur une chaîne commerciale à 20 h 30, c'est un crime économique ! C'est quand même à l'État d'apporter la culture, pas aux industriels. » 9 septembre 1987, Libération.

Il n’est pas inintéressant de mettre ces propos en rapport avec ce qu’il déclarait en 1986, lors de l'audition pour la reprise de TF1 qui venait d'être privatisé par le gouvernement Chirac. On voit alors la complicité qui domine non seulement entre politique et médias, mais aussi plus généralement dans le monde des affaires. Il déclarait :

« Le projet de reprise de TF1 que nous vous présentons aujourd'hui est bâti autour de quelques idées simples. Tout d'abord respecter le téléspectateur. [...] En second lieu, nous avons cherché à donner une dynamique nouvelle à la création française. Faire absorber au public français des séries américaines, ce n'est pas une fatalité. [...] Je crois que le fonds de commerce, la réputation d'une chaîne, elle est faite bien sûr de son audience, mais elle est faite aussi de sa réputation. Et une chaîne de télévision qui prétend être la première en France ne peut pas le rester uniquement sur la diffusion des programmes les plus simples à absorber.[...] La culture française est menacée, c'est vrai. Mais la culture française doit résister. Parce que la culture, elle exprime le besoin et le désir de vivre ensemble, parce que la culture exprime une vraie communauté de mémoire, une vraie communauté de projet. »

Cela montre bien la force d’un système capable d’adapter toute bonne intention, de s’en emparer et de les transformer…

« Détail » : son salaire en tant que PDG de TF1 était en 2008 d'environ 1 930 000 € euros.

 
èHersant : Il est historiquement le meilleur exemple de concentration dont parlait notamment le CNR…

Il déclarait :

« Bien sûr, depuis le début, je ne fais pas un journal, je fais des journaux, et je continuerai à faire des journaux. C’est la même chose pour moi que n’importe quel chef d’entreprise : la finalité d’une entreprise au plan industriel, c’est son développement, et la stagnation c’est le commencement de la fin. »
 

Robert Hersant, c’est la transition avec Dassault, et c’est notamment (là aussi l’actualisation est nécessaire, mais sur le fond, Hersant et Dassault sont à leur place…).

La Socpresse, contrôlée depuis 2006 à 100 % par le groupe Dassault. Il y était entré en achetant 30 % à la famille Hersant. Il était propriétaire :

-du Figaro, Figaro Magazine, Madame Figaro, L'Indicateur Bertrand, Propriétés de France ;

-des suppléments hebdomadaires TV Magazine (7 millions d'exemplaires) et Fémina ;

-d'une quinzaine de quotidiens régionaux dont Le Midi Libre, Le Bien Public, Les Dépêches ;

-d'une douzaine d'hebdomadaires de proximité, dont le groupe Presse Alpes Jura (La Savoie, L'Essor savoyard, Le Messager de Thonon, Le Pays Gessien, La Tribune républicaine de Bellegarde, Le Courrier de Saint-Claude et L'Indépendant du Haut-Jura), du groupe Presse Flamande ... ;

-de 40 % du groupe Rossel, éditeur des journaux belges Le Soir et La Meuse ;

-de 67,6 % de La Voix du Nord;
-de l'imprimerie Roissy Print, et de la régie publicitaire Publiprint.
 

le groupe France-Antilles (famille Hersant), dirigé aujourd'hui par Philippe Hersant et renommé en 2006 Groupe Hersant Média, qui possède :

-une myriade de quotidiens locaux des îles françaises (acheté depuis) ;
-de 27 % de L'Est républicain ;

-et depuis 2001, d'un groupe de presse en formation en Suisse romande. Achat de Filanosa SA (La Côte, etc.) , puis au printemps 2002 acquisition de la Société neuchâteloise de presse avec, entre autres, les quotidiens L'Express de Neuchâtel » et L'Impartial de La Chaux-de-Fonds.

Ainsi aux mains de l’oligarchie, les entreprises de presse sont d’abord des entreprises ! Elles doivent concilier rentabilité, services rendus, relations publiques, relations politiques… Quelques cas d’exemple :

a/ Histoire de Paris-Match 

Alors que NS s’exhibe en famille pour les besoins de la cause présidentielle, tout le monde sait que Cécilia est sur le point de partir. Un journal suisse, « le matin » révèle la chose. On peut parler de Blanchiment d’information ! Les français n’osant pas aborder frontalement la chose car il s’agit du futur président… Fin du premier acte.

Seconde étape, le Times est sur le point de publier des photos de Cécilia et de Richard Attias, ancien collaborateur et publiciste de Nicolas Sarkozy, en train de siroter sur une terrasse à Saint-Tropez. La course de vitesse est engagée. Le 25 août 2005, le magazine Paris Match réalise ses meilleures ventes de l’année en publiant en couverture la photo de Cécilia Sarkozy en compagnie de futur mari, le publicitaire Richard Attias, à New York.

L’histoire sans intérêt a le mérite de poser la question des amitiés, des appartenances, des cohérences politiques. Médias du pouvoir, au service du pouvoir… du système : le patron est Arnaud Lagardère dont je rappelle qu’il se dit le frère du président. Il n’est prévenu de la couverture qu’une fois le magazine imprimé. Résultat, conflit entre la direction de l’hebdo et Alain Genestar, directeur de la publication. Ce dernier est viré en 2006. Pour une des toutes premières, grève au sein de paris match fin juin 2006 contre « une décision aux raisons politiques ».

b/ Cela en dit long sur les relations entre la presse et le pouvoir.

Les grands groupes expriment un mélange des genres.

-ils font partie de la bande du fouquet’s. Les amitiés viennent de loin. Pour la plupart, ils ont été rassemblés à Neuilly pour émerger sur la scène publique un peu plus tard…

Pour résumer donc cette partie :

-il y a :

·         Lagardère, empire de l’armement, de la presse, de l’édition…

·         Bouygues : empire du bâtiment, de la presse avec TF1…

·         Hersant et Dassault : une bonne partie de la PQR, le figaro, l’aviation….

Mais ce n’est pas terminé… Le meilleur presque pour la fin :

Celui dont on n’a pas encore parlé, l’ami du président, Bolloré qui s’est bâti un groupe parfaitement intégré dans les médias et la pub… Le but affiché est de servir grâce aux médias ses intérêts financiers… Il donne à lui tout seul la cohérence du système !

èBolloré donc :

Il est présent :

a/-dans la télévision avec direct 8 dirigée par son fils Yannick. En juin 2010 il rachète au Groupe Lagardère Virgin 17, devenue Direct Star. En septembre 2011, le groupe a annoncé la cession de 60% de ses deux chaînes au groupe Canal+ en échange d'actions Vivendi évaluées 279 millions d'euros.

b/-dans le papier avec Direct matin détenu avec le groupe le Monde pour 30%, puis sur le marché des gratuits à Paris, Lyon, Marseille, Lille, Bordeaux, Montpellier, Strasbourg, Toulouse et dans sa chère Bretagne. Soit 1 million exemplaires au total en 2011. Il possède aussi Direct soir, dont les pages éco sont un complaisant espace promotionnel et qui est le seul quotidien national, avec la croix, à diffuser le saint du jour !

Le but, un aspirateur à publicités…

c/-dans le web il possède 75% de Streampower, un des leaders du streaming, qui travaille pour de nombreux médias et commence à produire des émissions de télé et du contenu pour les appareils mobiles. Qu’il pourra notamment diffuser grâce aux licences wimax obtenues en 2006. Dans les télécoms, Bolloré Telecom (détenue à 90 % par Bolloré et à 10 % par Hub télécom) est en effet titulaire de douze licences régionales WiMAX: Aquitaine, Auvergne, Bretagne[, Corse, Franche-Comté[, Île-de-France, Languedoc-Roussillon, Limousin, Midi-Pyrénées[], Picardie[, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Rhône-Alpes[].

d/-dans les sondages, Il possède aujourd’hui 100% de l’institut de sondages CSA

e/-dans la pub, Il préside Havas, le sixième groupe mondial de communication et de publicité (Euro-RSCG notamment), ce qui lui a donné un siège au conseil d’administration de Médiamétrie. Il possède déjà 29% du capital d’ Aegis, géant britannique d’achat d’espace publicitaire, Aegis qui contrôle Carat, dont les analyses sur les programmes audiovisuels sont largement reprises dans les rubriques médias.

f/-dans la production et la diffusion de contenus…. Il contrôle la SFP, un des principaux prestataires de services audiovisuels en Europe, dont les studios ont abrité le débat Sarkozy/Royal en 2007 et peut-être ceux de 2012. Il détient 10% de Gaumont.

Nous sommes au cœur de la confusion des genres et donc de la nature de l’information mise au service d’intérêts particuliers…

A Télérama il déclarait:

« Je ne suis pas un investisseur financier, je suis un investisseur industriel. Je dois donc avoir le contrôle de l’éditorial ».

Il en donne la preuve lorsqu’il met les chefs d’état d’Afrique à la une en déroulant le tapis rouge aux présidents Paul Biya (Cameroun), Blaise Compaoré (Burkina), Abdoulaye Wade (Sénégal) ou à l’ex-président sud-africain Neslon Mandela, dont la tournée européenne de sensibilisation contre le sida a été financée par Vincent Bolloré. Point de philanthropie en la matière. Il sert ainsi ses intérêts en Afrique dans les transports, les ports, les plantations, après avoir transformé son groupe familial en conglomérat planétaire à coup de raids financiers et de montages en « poulies bretonnes » (holdings en cascade)

Une fois encore, pour lui, les médias sont  des leviers d'opinion pour ses investissements industriels à long terme que sont la voiture électrique, les batteries solides et l'Afrique.

Si chez Bouygues l’enquête sur le bâtiment est difficile, chez Bolloré, l’ignorance des intérêts du groupe est interdite…

La proximité au pouvoir, la confusion, c’est le yacht Paloma qui l’exprime. Expression de conflit d’intérêt. Cette amitié l’a propulsé parmi les patrons français les plus puissants, alors que les Bouygues, Dassault, Arnault... possèdent des groupes beaucoup plus importants que lui !

Il a tenté -ou été tenté- de racheter TF1 (en 1997), Libération, puis La Tribune. Avant de renoncer. On lui prête régulièrement des visées sur son partenaire Le Monde, où officie encore son conseiller Alain Minc, un homme clé, non pour ses prévisions ou ses pronostics, mais pour son entregent : on en reparlera sur le public, mais Minc, c’est le lien direct entre les médias et le pouvoir, consultant chez les uns, conseiller chez les autres…

La dernière acquisition de Bolloré dans les médias est la branche française de la très prestigieuse agence Associated Press. Il en sera actionnaire minoritaire (40%) au côté d’un ancien président de l’AFP, Bertrand Eveno.

 

D/ Dans cette configuration, on comprend mieux que les médias sont truffés d’hommes politiques soit à la ramasse, soit placés pour les contrôler … les médias du système, le système des médias passe par là.

Ils n’ont souvent plus rien à voir avec la formation journalistique et occupent dans les journaux, radios ou télévisions des postes importants. Ils sont issus de cabinets ministériels, ils sont proches de tel homme influent ou tel autre politique, ils sont eux-mêmes parfois d’anciens responsables recyclés. Aux postes de responsabilités, à ceux de conseillers, les médias en regorgent…

Alain Peyrefitte, l’homme qui avait son bureau à l’étage juste au dessus de la rédaction de l’ORTF, a été un des noms du « Figaro » pendant que Catherine Tasca, plus modeste et plus discrète, a pratiqué les bureaux de Canal +. Anne Marie Couderc et Frédérique Bredin ont coulé leurs jours heureux chez Hachette et Jean jacques Aillagon à TV5….

Lorsque l’on constate que sur tous les sujets importants le monde politique fonctionne au consensus, ayant quel que soit la rive d’origine des positions très proches les unes des autres, il y a à s’inquiéter.

Laurent Solly, ancien directeur adjoint de la campagne du chef de l'Etat en 2007, a rejoint le groupe Bouygues et sera nommé "en temps voulu" à la direction générale de TF1, la première chaîne de télévision française avec une part d'audience qui dépasse les 30% même si elle est légèrement en baisse avec l’éclosion des chaînes du câble…

Les relations incestueuses entre médias et politiques vont dans les deux sens. Ainsi, pendant qu’un très proche rejoint donc le groupe dirigé par l’ami intime du président, ce sont trois journalistes qui prennent le chemin inverse. Catherine Pégard du Point, Myriam Lévy du Figaro, et Georges-Marc Benamou de « La Provence » et « Nice Matin » ont été nommés conseillers de presse à Matignon et à l'Elysée avec une destinée plus ou moins heureuse…

Le système est international et les remèdes sont parfois identiques. En Allemagne, l’ex chancelier Schröder, après sa raclée électotrale, a retrouvé le sourire. L’homme s’est recasé au sein du groupe de médias Ringier.

Et en Italie, le président du conseil, Berlusconi en a été jusqu’à posséder personnellement ou de façon à peine détournée la plupart des médias importants. Comme président du conseil, il avait la mainmise sur le public. Pas un cheveu ne pouvait ainsi dépasser jusqu’au jour du déclin ou les choses se retournent et ça devient en général l’hallali médiatique…

En Angleterre le groupe Murdoch et ses relations avec Tony Blair illustre à la mode britannique la réalité de l’oligarchie…

Ce qui nous amène au point suivant : Au sein des médias du système, l’audiovisuel tient une place de choix. Pour le privé, on a fait le tour. Reste donc le public !

 
 

E/Et le public dans tout cela ?

a/ La télévision tient une place de choix dans la relation aux politiques. Pour eux, l’image est essentielle. La mainmise doit être totale. Aussi le service public a représenté un double enjeu : financier d’abord avec les milliards brassés, politique ensuite pour l’image donnée…

b/ Je raconte dans « Un CDD sinon Rien » au détour d’une anecdote cette tendance à faire des acquis sociaux –contrat de travail, statut, salaire, conventions collectives, protection sociale, etc…- des privilèges et a instaurer la précarité comme une règle. Les médias, et principalement la télévision, ont joué un rôle clé dans la défaite idéologique qui s’est affirmée depuis la grande vague engagée par Thatcher et Reagan dans les années 80, poursuivie en France pour nous mettre au point où nous sommes arrivés…

c/ La question est donc la suivante : comment et pourquoi cet ilot d’impertinence qu’à été la télévision publique est-elle devenue ce monstre de docilité ?

C’est le produit d’une histoire, celle de la lutte des classes, qui a abouti à ce résultat. On peut en donner les grands traits suivants :

-          1/ Le passage de l’ORTF et de la SFP au démantèlement… Statut visé, contrat de travail, rentabilité dans la privatisation de la production… Mécanisme simple, alignement des tarifs sur ceux du cinéma, qui coutait à l’époque deux fois et demie le prix… Résultat prévisible : plans sociaux, grèves, appel d’air pour le privé… De 1978 à 1994, elle passera de 2917 salariés permanents à 1096, de 503 effectifs intermittents à 218, de 78 159 cachets artistiques à 8785.

-          2/ Conjointement au chômage technique massif, coûteux et artificiel, la SFP est atteinte par une baisse de la garantie du chiffre d’affaire obligatoire que doit lui verser la télévision publique. De 95% en 1975, il passe à 30% en 1979. Les recapitalisations annuelles par l’état remises en cause d’ailleurs par les institutions européennes au nom de la « concurrence libre et non faussée », annoncent à terme la fin de l’entreprise et l’ouverture du marché au privé. C’est le statut même de la société publique qui est visé. Et avec lui celui des personnels qui devrait être emporté.

-          3/ Parallèlement, le grand bouleversement du paysage est organisé. Fin 85 début 86, Silvio Berlusconi franchit les Alpes pour s’emparer de la cinq, chaîne privée conçue par la gauche au pouvoir qui à la veille des élections législatives déclare vouloir s’engager dans la création d’un « nouvel espace de liberté ». Au nom d’une « télévision beaujolais » dans la semaine et « champagne » le samedi, les animateurs vedettes des chaînes concurrentes sont débauchés et grassement rémunérés pendant que les séries américaines déferlent. La valeur marchande des journalistes repose officiellement sur leur passage à l’antenne.

-          4/ Mais plus que la création de télévision privées payantes comme Canal plus, ou gratuites comme la cinq, c’est la privatisation d’une grande chaîne publique décidée par le gouvernement de Jacques Chirac en 1987 qui constitue un tournant pour le changement des mentalités. L’arrivée de Francis Bouygues entrainé par le très médiatique Bernard Tapie fait basculer 1600 personnes environ d’un statut de salariés d’une « société nationale de télévision en couleur » en salariés d’une société de droit privé. Durant une année les personnels conservent les avantages de la convention collective qui définit chacun des statuts des employés et qui comprend la définition des contrats de travail, les types d’emploi et les coefficients de rémunération, mais l’inquiétude grandit. Aussi, en quelques mois, la moitié environ des effectifs de la « une » quitte l’entreprise. Au bout d’une dizaine d’années, une centaine seulement de ceux qui étaient présents au départ demeure fidèle au poste, la grande majorité ayant décidé de prendre la porte d’une télévision dans laquelle la loi de l’audimat et de la rentabilité est plus assimilée à l’esprit des « marchands de béton » qu’à celui qui traditionnellement a cours dans la presse. D’autant que l’ouverture de la télévision au privé s’accompagne d’un discours optimiste sur « un marché voué à une expansion prometteuse ». Vive la concurrence ! Pourquoi donc ne pas refuser « le marche ou crève » de la « une » puisqu’un boom de l’audiovisuel devrait accompagner l’irruption du privé sur le marché. La privatisation de TF1 donne un signal, légitime dans l’opinion l’idée que « la télévision privée, c’est aussi bien, sinon mieux que le public » et donne partiellement l’espoir aux professionnels que le marché grandissant, les opportunités s’offriront. Mais pendant ce temps, la réalité du privé, illustrée par la cinq, fait tomber les illusions. Peu à peu les nouveaux embauchés découvrent ce que signifie l’absence de convention collective, le recours massif aux intermittents, l’institutionnalisation de la précarité du travail, l’absence ou la réduction à la portion congrue des contrats de travail à durée indéterminée, les licenciements sans encombrement « excessif » du code du travail, le développement des petits salaires alors que sont exhibés comme des bijoux dans leurs écrins les fortunes que touchent les présentateurs en vue. « Un scoop au bout du monde » rapporte dix fois moins qu’un « brushing, une moue, un sourire sur un plateau » se moquent cyniques ceux qui voient peu à peu leur métier être minoré, leur statut remis en cause, leurs droits être attaqués. 

-          5/ La loi de l’audimat s’impose partout…

-          6/ Les Boites de production –c'est-à-dire le privé- éclosent et avec elle l’intermittence… Du coup, les lois Tasca du nom de la ministre socialiste. Ainsi, 50% de la production de France 2 et 30% de celle de France 3 –respectivement proches aujourd’hui de 75% et de 50%- sont réservées aux « boites de prod » privées auxquelles le marché est offert. Après la liquidation de la SFP, les chaines de service public se sont désengagées de la production et sont globalement réduites au rang de diffuseurs de programmes pour l’essentiel débattus ailleurs, et fabriqués à leur insu, avec bien sûr dans leur financement une part importante provenant des deniers du contribuable.

-          7/ Les boites de prod, ce sont les amis du pouvoir : Ambiel ancien de chez Balladur, Arthur l’animateur le plus con de la télé, Courbit, l’homme d’affaire ami de Nicolas, ou encore Cottet, transfuge du PCF, recyclé et pressenti pour diriger France télévision après avoir fait ses preuves chez Hachette notamment. Ce sont les rivalités de château qui auront eu sa peau. L’histoire de Sarkozy qui le reçoit… Minc pour Bompart, et Carolis soutenu par Guéant… Résultat, deux contrôles fiscaux…

-          8/ Résultat : Les intermittents, liquidés… Le système, c'est-à-dire 508 heures de 2 ans à 1 an puis 10 mois… Les abus… Le trou dans les caisses sociales… L’entrevue avec Chérèque… « les branleurs n’ont que ce qu’ils méritent… ».

-          9/ Cela pour en arriver à la docilité des rédactions bien encadrées, un autre métier… Le tout bouclé par la nomination directe du directeur de France télévision… plainte contre deux membres de France 3 pour des images avant émission diffusées… Le but, terroriser !

 
F/ un mot sur les personnels

-La terreur ne provoque pas plus dans les médias qu’ailleurs la révolte… Le chacun pour soi, la servilité sont une règle… Et l’absence de réflexion… 

-Dans les personnels administratifs, plus d’attachement spécifique. On serait dans n’importe quelle boite, ce serait identique…

-Chez les journalistes : problème de formation et d’obéissance. Le problème des écoles de formation des journalistes est posée… La question du formatage…

-Enfin, chose inimaginable il y a peu encore :

      -la fourniture d’images par les candidats et les partis.

      -les reportages sur commande : exemple les rafles…

      -le retour au gaullisme arriéré : les interviews face aux français…

                -enfin le règne des spécialistes : inauguré avec la guerre du golfe… Interchangeables… Aujourd’hui avec la guerre économique. Ils se succèdent pour une série d’âneries que nul ne relève. Et pour cause, les médias en étant le principal vecteur.

Quelques exemples (la question des économistes est illustrative dans la période de crise que nous connaissons. On lira à ce titre le livre « les imposteurs de l’économie » de Laurent Mauduit).

-Le cercle des économistes regroupé autour de Jean Hervé Lorenzi, une trentaine…

-le conseil d’analyse économique créé par Jospin en 97, aussi une trentaine d’économistes… Aujourd’hui dirigé par Jean de Boissieu… Parfois on trouve les mêmes…

Leur vie : conseils d’administrations, jetons de présences, conseils aux banques, relations avec les politiques et surtout, présence dans les médias…Difficile de prétendre à un point de vue seulement universitaire, indépendant des lobbies et des intérêts de ceux qui par ailleurs les rémunèrent. La question de l’indépendance est d’ailleurs taboue. Chez eux, et dans les médias qui agissent contre nature.

-Par exemple : Elie Cohen.

Côté cour, le blog indique exclusivement une carrière universitaire bien remplie, Ulm, sciences po, ENA ou encore Harvard. Il est membre du Conseil d’analyse économique, a produit quantité d’études…

Coté jardin, c’est le privé que le paie sans doute beaucoup plus que l’université. Administrateur, membre du comité d’audit et du comité stratégique du groupe pages jaunes, qui une fois privatisé est passé au groupe Médiannuaire, possession d’un des plus importants fonds du monde, KKR dont les taux exigés ont souvent dépassé les 30%, en particulier associé au baron Seillière pour faire de juteux aller retour dans le leader mondial de l’équipement électrique, Legrand, dont le siège est à Limoges…

Et les médias dans tout cela ? Comme expert des méfaits de la finance américaine, il se trouve souvent sur les plateaux de télévision, chez Calvi par exemple… Détail, il touche plus de 42 000 euros de jetons de présence pour Pages jaunes en 2010… Il est aussi un des deux administrateurs dits indépendants d’EDF énergie nouvelle introduite en bourse en 2006 avant d’en être retiré en 2011. Il en est membre du comité stratégique et membre du comité d’audit et des risques. Pour 2010, à nouveau 40 000 euros. Est aussi membre du conseil de surveillance et membre du comité stratégique de groupe Steria spécialisé dans les services informatiques, dont il détient 5540 actions, et touche à nouveau 26 000 euros de jetons de présence… C’est le monde de la finance qui lui rapporte plus du double de l’université. 110 000 euros.

-Les spécialistes ont micros ouverts pour légitimer la parole politique. Ils font le lien objectif entre d’une part le pouvoir, d’autre part l’idéologie dominante, enfin les millions de concitoyens auprès de qui on intervient auréolé de l’image du sachant dont la parole est indiscutable…

Par exemple : le 3 avril 2008, Patrick Artus, membre à la fois du conseil d’analyse économique et du cercle des économistes, se livre au magazine Challenge.

En titre et en couverture : « la crise est finie ! ». Pas une semaine sans que le directeur des études de la banque Natixis, la plus sinistrée en France avec Dexia, par ailleurs prof à polytechnique, prof associé à Paris 1, membre de la commission économique de la nation, ne soit sur les plateaux de télévision, dans les rédactions, devant un micro….

Mais à sa décharge, comme disait Pierre Dac, « L’art de la prévision est difficile, surtout quand il concerne l’avenir ».

Il s’agit en fait de vanter « la mondialisation heureuse », discours récurrent des médias dans la foulée des politiques.

Un peu plus tard en effet, durant l’été 2008, la ministre Christine Lagarde indique « le gros de la crise est derrière nous ». 

En septembre 2008, c’est Daniel Cohen, qui professe à Normale sup et à l’école d’économie de Paris, qui indique dans Capital « nous allons en effet vivre une année horrible jusqu’à la mi 2009, la croissance sera nulle ou quasi nulle (…) La bonne nouvelle c’est que cela ne durera pas plus longtemps ».

Dans les échos le 3 juin 2009, c’est le baron Seillière qui indique « Après quelques mois de tentations réglementaires, le calme revient et c’est tant mieux. L’autorégulation fonctionne, pas besoin de beaucoup de textes ».

Et En 2011, c’est Strauss Kahn, encore à la tête du FMI, avant sa rencontre avec Nafissatou Dialho, qui déclare : « Les pires nouvelles sont derrière nous ».

Pour vanter les bienfaits du système dans les médias, cadenasser tout esprit critique, faire des médias les soutiens des dons faits aux banques sans aucune contrepartie, de la chasse aux déficits, du remboursement de la dette, de la troïka qui officie en Grèce et qui se prépare pour l’Espagne, l’Italie, le Portugal, la France, …, il faut donc que les spécialistes aient droit de cité. Et surtout pas de remise en cause, pas de recul, pas de critique.

L’exemple d’Artus est intéressant. Car dans l’erreur, l’homme persiste, signe, fait autocritique, et recommence avec un regard complaisant de la sphère médiatique.

Dans Challenge son interview valait son pesant d’or :

-Ou en est la crise financière ?

-Le pire est passé.

-Cela ne semble pas être l’avis de JC Trichet.

-Je reviens des états unis. Les acteurs de marché sont unanimes. Les institutions financières américaines ont enrayé la crise… Nous sommes en train de sortir de la psychose du trou sans fond.

Quelques jours plus tard sur France 24, le 7 avril, il déclare :

-Ce que j’ai voulu dire, c’est que la crise de marché est finie. C’est un retour de confiance organisé par les banques centrales.

Il se trompe, fait donc un peu plus tard autocritique, est applaudi pour son courage, et reste le chouchou des médias…

Ce qui est intéressant, c’est que le Artus de 2008 n’est pas une découverte. Le même fait les mêmes erreurs en 2007 sans que nul ne s’émeuve, et sans que les médias ne s’interrogent un tant soit peu… En septembre 2007 par exemple, il écrit une note sur les risques de voir la crise des subprimes aux USA dégénérer en une récession mondiale.

Il indique « le scénario le plus raisonnable est celui où la crise immobilière aux USA ralentit l’économie mondiale mais est loin de la plonger dans une récession. Notre scénario centrale n’est donc absolument pas celui d’une récession en 2008 ».

Et encore avant, le 22 mars 2007, il assène que « Les corrections successives des marchés d’actions en février mars 2007 sont liées à une série de craintes des marchés : la liquidité va se raréfier ; l’économie chinoise va fortement ralentir ; il peut y avoir une récession aux USA ; la profitabilité va se retourner à la baisse ; la crise des crédits immobiliers subprimes aux USA va déclencher une crise bancaire et financière ; or toutes ces affirmations sont fausses ».

Optimisme pour le moins constant de l’économiste médiatique de Natixis qui par ailleurs touche 55 000 euros de jetons de présence pour 10 réunion au CA de total, et d’autres subsides en tant qu’administrateur de la société IPSOS.

Il ne s’agit là que d’un exemple parmi d’autres… Je passe… Voir d’ailleurs le livre les imposteurs de l’économie de Laurent Mauduit…

 

G/ Que faire ?

Il y a les réponses de façade. Par exemple celle de Jean Luc Mélenchon.

a/ au départ j’étais contre… Le côté les petits qui trinquent… face à un système qui perdure. Sur le fond, je n’ai pas changé d’avis. En prenant pour cible x, y ou z, la question de fond qui concerne les entreprises de presse, leur indépendance, leur fonction, leurs relations à l’argent, leur place dans les empires économiques auxquels ils participent, sont reléguées au second plan.

Exemple la bataille menée en 2005 sur les principes et pas sur des cibles particulières…

b/ Mais si La personnalisation nuit à la véritable question que posait déjà le conseil national de la résistance, lorsque était affirmé « la pleine liberté de pensée, de conscience et d’expression; la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances d’argent et des influences étrangères », elle répond à un rejet important d’un système médiatique assimilé au monde politique.

c/ Mais force est de constater que le pari a été gagné. De l’anonymat, de l’hostilité, il a inspiré la crainte, s’est affirmé comme un bon client, et s’est imposé dans un panorama médiatique en s’adaptant à ses règles, jusqu’à s’emparer des termes : sur le divan de Drucker, parlant de l’émission où il était avec Ruquier, il déclare « c’est vrai, on a cartonné ». La préoccupation de l’audimat est donc partagée et dans le on, il devient partenaire d’une opération qui lui échappe…

 G. Marchais, pour ceux qui s’en souviennent, était de ce point de vue un maitre…

 
 

Quelques responsabilités individuelles.

La plainte sur les médias du pouvoir est récurrente. Mais la vie laisse tout de même une certaine latitude.

A ce titre une première question mérite d’être posée. Nous constatons que les médias courent souvent derrière l’évènement. Nous savons à l’heure des communicants en tout genre que les décideurs sont munis d’une armada dont la tâche est de populariser leurs intérêts, et donc de susciter l’information qui permettra au jeu médiatico-économico-politique de rentrer en action.

 

Dans ce contexte, une des questions qui se posent est bien une question politique : comment se fait-il que nul ne puisse produire une actualité autre que celle qui conduit aux marchés de la bourse, ou à quelques grands intérêts. L’abandon par les forces politiques qui se réclament des employés, des salariés, des travailleurs, des retraités et des jeunes, de tout programme incarnant la volonté de défendre « la république sociale » entrave la possibilité de se réapproprier les médias dans un sens démocratique, répondant à la volonté et aux préoccupations de la majorité des citoyens.

La question politique est bien au cœur du sujet : Une force politique renouant avec les aspirations du peuple permettrait de redonner sens à une information de terrain, et permettrait aussi sans aucun doute aux médias –du moins à une partie de leur personnel- de faire un pas vers le traitement d’une information impartiale et pluraliste. En cela la question des médias n’est pas seulement celle des médias mais est une question politique bien plus générale qui dépasse de loin les seuls professionnels de la presse.

 

Partir de la volonté politique permet de s’autoriser quelques mesures qui peuvent sembler

« Subversives » mais qui sont tout compte fait assez mesurées au regard des exigences républicaines et sociales.

- Remettre à l’ordre du jour une véritable loi anti-concentration, qui devrait sans doute interdire à tout groupe qui se trouve en position de monopole économique vis-à-vis de l’état de posséder de grands médias tels des journaux, radios ou télévisions. En effet d’un simple point de vue démocratique, il y a dans la situation actuelle une pression permanente et très préoccupante qui peut s’exercer sur l’état de la part des propriétaires de ces médias. Donc,  mise à plat des possessions de radios, télévisions, maisons d’édition. Mise en place d’une loi anti-concentration.

-Concernant la presse : refonte du système d’aide et notamment du prélèvement des ressources publicitaires pour permettre à la presse menacée de continuer d’exister. Une refonte du système des aides publiques à la presse devrait également être effectué afin d’encourager le pluralisme.

-Concernant la télévision : il faut sans doute avoir le courage de réaffirmer la nécessité pour notre démocratie de se réapproprier de grands médias tels TF1 et donc de revendiquer la renationalisation de la première chaîne de télévision. Etant entendu que la privatisation a permis à ses actionnaires d’engranger dans le temps des profits déjà considérables, cette privatisation pourrait s’opérer sans rachat de la part de l’Etat.

 

- La privatisation directe de TF1 à l’époque s’est accompagnée de la liquidation d’un des

fleurons de la production française que constituait la Société Française de Production. Depuis, les chaînes de télévision publiques sont réduites de plus en plus à un rôle de diffuseur. Selon la vieille règle qui veut qu’on privatise les bénéfices et qu’on nationalise les pertes, tout ce qui pouvait être porteur de recettes à été remis dans les mains de petites sociétés de productions qui fournissent des programmes de toute sorte aux chaînes de télévision. La « loi Tasca » a terriblement aggravé cette situation en déterminant des seuils de sous-traitance obligatoires. Cette loi devrait être abrogée, et l’ambition de reconstruire un véritable outil de production française devrait être affirmée.

 

-Concernant les ressources des chaînes publiques : La question est liée à l’identité particulière qui doit être celle du secteur public. La question de la publicité doit être posée en tant que telle et le secteur public devrait en être préservé. D’où d’ailleurs toutes les ambiguïtés lorsque Sarkozy a fait une annonce sur le sujet. Pour le libérer des servitudes commerciales et assurer son indépendance économique et éditoriale, la suppression progressive de la publicité pourrait être compensée par l’instauration d’une taxe sur l’occupation de l’espace hertzien public par les diffuseurs privés et par une refonte de la redevance…

 

-Concernant l’identité du secteur public, le rôle des différentes chaînes devrait être redéfini. Une chaîne nationale et internationale publique d’informations devrait être créée sans aucun lien avec des intérêts privés. Il en va de l’information et de la France dans le monde…

 

-concernant l’indépendance enfin, l’abrogation des mesures sarkozystes pour la nomination des responsables. Et modification du CSA, élection parmi les professionnels, mais également les organisations politiques et associatives d’un organisme de contrôle aux pouvoirs redéfinis afin de garantir pluralisme et indépendance des acteurs qui interviennent dans le secteur …

 

- Le tiers secteur devrait trouver une aide réelle. Les télévisions citoyennes de proximité devraient également pouvoir trouver les moyens de leur développement.

 
Etc.…

Pour avancer, il faut porter le fer là où il doit l’être : dans le giron des oligarchies financières, politiques et médiatiques ! Mais il est vrai qu’en ces temps où ce qui compte est d’abord paraître, avant de savoir quoi dire et quel programme développer pour convaincre, la critique des médias et les mesures remettant en cause les intérêts financiers et économiques qui dominent sont un exercice risqué pour qui ose les formuler.

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