Le mot « surréaliste » est aujourd’hui passé dans le langage courant pour désigner une atmosphère insolite, voire une situation incongrue ou saugrenue. On est là, loin des principes fondamentaux d’un mouvement qui, dès son origine, aspirait à fomenter une véritable révolution dans les manières de penser, de sentir, de vivre, d’aimer même, telles qu’elles semblaient inscrites dans la « civilisation occidentale. » Que ce mouvement ne soit plus aujourd’hui (jusque dans les manuels scolaires) qu’une « école littéraire et artistique » parmi d’autres, c’est un fait et c’est, peut-être, à la fois le constat de sa mort et de sa réussite. Pourquoi donc y revenir ?
L’importance majeure du Surréalisme tient en trois points :
1) Le mouvement surréaliste a été, en France, le seul mouvement « culturel » collectif de quelque importance, de quelque influence, entre les deux guerres mondiales.
2) Le Romantisme, au XIXe siècle, a essaimé dans toute l’Europe. Le Surréalisme est le premier mouvement de la sensibilité a avoir atteint l’échelle du monde, avec des dizaines de groupes disséminés sur tous les continents. Il a exercé une influence majeure sur des artistes et des écrivains qui, sans se réclamer de lui, en ont tiré quelque chose : par exemple Pablo Picasso ou Julien Gracq, Octavio Paz ou Aimé Césaire…
Il est certain que la révolution radicale des modes de voir, de sentir, d’aimer et de vivre, telle que la prônaient les surréalistes, a échoué. Néanmoins, il demeure quelque chose de son exigence et de la sensibilité qui l’a suscitée. Le Surréalisme s’est voulu une insurrection contre l’ordre de choses existant : comme son nom l’indique, contre le réel, au-dessus de lui. Pour comprendre cette révolte, il faut se reporter aux conditions historiques qui l’ont vu et fait naître : celles de la première Guerre mondiale. Des masses de jeunes gens sont jetées dans une effroyable fournaise. Parmi eux, certains, une minorité, suivaient des études, étaient élevés dans le doux nid d’un humanisme classique et républicain. Dans le sang, la boue et la merde des tranchées, cet humanisme et la culture qui va avec n’ont plus cours. Il leur est impossible, après ce qu’ils ont vécu, de croire un seul mot touchant aux valeurs d’avant : la boucherie humaine qui est en cours leur en montre la vacuité, la vanité.
C’est en 1916, au café Voltaire, à Zurich, qu’un groupe d’exilés de diverses nationalités (déserteurs et défaitistes), conduits par le Roumain Tristan Tzara, prend acte de la mort d’une civilisation. Face à l’hécatombe imbécile, tout s’équivaut ; rien n’a plus de signification. Que répondre à cela ? DADA ! Pourquoi DADA ? Justement parce que Dada ne veut rien dire non plus : il n’y a plus rien à dire ! La littérature ? On composera un roman en tirant au hasard, d’un chapeau haut-de-forme, et en les recopiant à la suite des mots découpés dans un journal. La peinture ? Marcel Duchamp ajoute une paire de moustache à la Joconde et commente son célèbre sourire par la formule : LHOOQ (1919). Le reste à l’avenant. Le groupe dadaïste essaime en Europe occidentale et multiplie les manifestations publiques susceptibles d’occasionner des scandales. En France, DADA gagne les faveurs de jeunes gens comme André Breton, Louis Aragon, Philippe Soupault.
Breton perçoit très vite les limites du nihilisme de DADA : il ne suffit pas de nier la civilisation qui a mené à la barbarie ; il faut lui opposer d’autres valeurs, radicalement différentes, une autre civilisation. De là naît, en 1924, le Surréalisme. Le mot, créé par Guillaume Apollinaire, est alors revendiqué par plusieurs poètes aujourd’hui oubliés (Ghil…). Breton l’emportera, créant autour de lui, un collectif : poètes, peintres, sculpteurs, cinéastes… réunis autour d’une même idée, lancée naguère par Rimbaud : « Il faut changer la vie. »
Le groupe surréaliste ne renoncera pas aux scandales sur le mode Dada. Il évoluera, au gré des transformations, des départs, des démissions, des exclusions. Parfois, il s’agira de questions de personnes ; parfois, de vrais débats d’idées. Vaille que vaille, Breton tentera de maintenir intacte la visée originelle de la Révolution surréaliste. Il décède en 1966 ; ce qui reste du groupe se dissout en 1969.
Il ne s’agit pas ici de faire l’histoire du surréalisme, ni d’en citer tous les acteurs (certains, parmi les plus importants, seront passés sous silence) ; ni d’en tout dire. Pour ce qui manque, on se référera à la bibliographie. Le propos qui suit vise seulement à marquer les lignes de clivage entre la Révolution surréaliste et un monde abominable et toujours trop actuel. On examinera ensuite ce qui demeure, peut-être, du surréalisme.
I) LA RÉVOLUTION SURRÉALISTE
Dans l’esprit de ceux qui l’ont promu, vivifié et défendu, le Surréalisme n’est assurément pas une nouvelle école littéraire et artistique. En témoigne la déclaration liminaire à la revue La Révolution surréaliste, en date du 27 janvier 1925 :
Eu égard à une fausse interprétation de notre tentative, stupidement répandue dans le public,
Nous tenons à déclarer ce qui suit à toute l’ânonnante critique littéraire, dramatique, philosophique, exégétique et même théologique contemporaine :
1° Nous n’avons rien à voir avec la littérature ;
Mais nous sommes très capables, au besoin, de nous en servir comme tout le monde.
2° Le surréalisme n’est pas un moyen d’expression nouveau ou plus facile, ni même une métaphysique de la poésie ;
Il est un moyen total de libération de l’esprit
et de tout ce qui lui ressemble.
3° Nous sommes bien décidés à faire une Révolution.
4° Nous avons accolé le mot de surréalisme au mot de révolution uniquement pour montrer le caractère désintéressé, détaché, et même tout à fait désespéré, de cette révolution.
5° Nous ne prétendons rien changer aux mœurs des hommes, mais nous pensons bien leur démontrer la fragilité de leurs pensées, et sur quelles assises mouvantes, sur quelles caves, ils ont fixé leurs tremblantes maisons.
6° Nous lançons à la Société cet avertissement solennel :
Qu’elle fasse attention à ses écarts, à chacun des faux pas de son esprit, nous ne la raterons pas.
7° À chacun des tournants de sa pensée, la Société nous retrouvera.
8° Nous sommes des spécialistes de la Révolte.
Il n’est pas de moyen d’action que nous ne soyons capables, au besoin, d’employer.
Nous disons plus spécialement au monde occidental :
Le surréalisme existe
- Mais qu’est-ce donc que ce nouvel isme qui s’accroche à nous ?
- Le surréalisme n’est pas une forme poétique.
Il est le cri de l’esprit qui retourne vers lui-même et est bien décidé à broyer désespérément ses entraves,
Et au besoin par des marteaux matériels !
Cette déclaration est de la plume d’Antonin Artaud. Elle est signée de noms qui vont compter dans la littérature française du XXe siècle : Aragon, Breton, Leiris, Queneau… On peut certes, aujourd’hui (2011), en souligner le style flamboyant ou s’apitoyer sur le caractère apparemment dérisoire d’une semblable révolte. Il n’en reste pas moins que le projet surréaliste est clair et net : « Il faut aboutir à une nouvelle Déclaration des droits de l’Homme. » Le deuxième numéro de la Révolution surréaliste annonce la « Fin de l’Ère chrétienne » (1925). Il ne s’agit plus maintenant ni de littérature, ni d’art : le but du surréalisme est d’emblée subversif et vise tous les modes d’être, de sentir, d’aimer et de penser en usage jusqu’alors. À une telle révolution programmée, il convient de trouver ses voies. L’expérience est toute mentale, « spirituelle » et elle cherche ses mots pour se dire, se « révéler. » Ce sera « l’écriture automatique. »
1) L’écriture automatique.
André Breton a sans doute été, en France, l’un des premiers lecteurs attentifs de Freud auquel il rend d’ailleurs visite, à Vienne, en 1922 : visite décevante, car Freud ne comprendra jamais ce que veulent ces jeunes gens qui se réfèrent à ses travaux. Breton s’intéresse très vite à ces « phrases plus ou moins partielles » qui résonnent parfois en nous « à l’approche du sommeil. » Dans l’esprit de celui qui s’endort, elles suscitent des images relativement précises. Pour Breton, c’est alors l’Inconscient qui parle. Si l’on arrivait à capter cette voix intérieure (que l’on ignore à l’état de veille, qui condamne toute explication rationnelle), peut-être y trouverait-on une source pour changer notre rapport au monde, « changer la vie. » C’est ce qui fonde l’expérience connue sous le nom d’écriture automatique. André Breton et Philippe Soupault, en 1919, demeurent enfermés durant quinze jours. Ils passent le plus clair (ou le plus sombre) de leur temps à écrire, sans thème préétabli, à la plus grande vitesse possible, « sans ratures ni corrections ». Une partie des textes sera publiée sous le titre : Les Champs magnétiques.[1] Au soir de sa vie, Breton conviendra, avec de lourds regrets, que l’histoire de l’écriture automatique dans le mouvement surréaliste aura été celle d’une « infortune continue. » Hormis quelques pépites (des phrases retenues au moment de l’endormissement ou du réveil), l’Inconscient ne révélera pas ses secrets, ne livrera pas ses trésors. Mieux même, avec un peu d’habitude et d’attention, il est facile de créer de faux textes « automatiques » : les résultats de l’expérience initiale sont consciemment reproductibles. Il suffit de rapprocher, dans un certain contexte, une certaine ambiance, des mots renvoyant à des objets sans rapport entre eux (au hasard : « les rhinocéros multiflores ») pour obtenir un texte qui a toutes les apparences de l’automatisme sans apporter la révélation attendue (et sans être, à proprement parler « automatique »). Toutefois, l’expérience de Breton et Soupault ne sera pas sans conséquences : le principe d’analogie sera au cœur de l’aventure surréaliste, permettant, par exemple, à Max Ernst de peindre des créatures mi-végétales, mi-animales, ou au cinéaste Luis Buñuel (dans Un Chien andalou) de passer, par la grâce du montage d’une pleine lune à un œil féminin puis à un cercle de badauds. La rencontre, liée au hasard, est la clé de la sensibilité et de la démarche surréalistes.
2) Le hasard objectif
Les nombreux jeux inventés par les surréalistes (« cadavre exquis », questions/réponses, « l’un dans l’autre »…) sont tous fondés sur la rencontre aléatoire d’éléments disparates, voire contraires. Lautréamont, l’un des précurseurs reconnus et vénérés par les surréalistes, définissait la beauté comme « la rencontre fortuite d’un parapluie et d’une machine à coudre sur une table à dissection. » Le télescopage des mots et des images semblent ouvrir à une nouvelle vision du monde. Il est dans la droite ligne de Rimbaud qui prônait « le dérèglement systématique de tous les sens », appelant à voir « un salon dans un lac… » Appeler la rencontre, la chercher, voire la provoquer n’est plus un jeu mais devient un mode de vie, parfois passablement dangereux, une sorte de quête qui permettra de trouver un nouveau Graal. Ce ne sont qu’errances éperdues, et souvent nocturnes, dans la ville (le milieu urbain étant le seul susceptible de provoquer la rencontre éblouissante et révélatrice). On entre dans une gare ; on choisit, au hasard, une destination et l’on s’y rend : voici donc cinq ou six surréalistes errant dans les rues de Béthune toute une journée pour n’y rien vivre de notable. Qu’importe, la prochaine expédition sera peut-être plus riche ! Cette pratique de ce que, plus tard, les situationnistes appelleront la « dérive » apporte tout de même suffisamment de résultats positifs et poétiques pour donner lieu à un concept : celui de « hasard objectif. » L’expression, empruntée à Engels, semble désigner ce que tout un chacun appelle une « coïncidence », c’est-à-dire précisément une rencontre fortuite. Breton accorde un sort tout particulier à certaines de ces coïncidences qu’il appelle « pétrifiantes. ». Il voit dans ce type de rencontres la conjugaison de deux séries de causalités qui par endroits se nouent. Plus encore, il les regarde comme un moyen par lesquels la « nécessité extérieure » se fait sentir à la « nécessité intérieure », au moi, à la subjectivité. Deux de ses grandes œuvres (Nadja et L’Amour fou) visent à éclairer le mystère de ces deux séries qui déterminent l’existence humaine et dont seule l’élucidation permettrait enfin de « changer la vie. »
3) L’Amour
La rencontre attendue, espérée, traquée même, est bien sûr la rencontre amoureuse. On imagine mal une révolution de la sensibilité et de l’esprit qui fasse l’impasse sur l’amour. À cet égard, l’érotique surréaliste est fondée sur deux pôles, nécessairement contradictoires ; sur un dualisme qui, au premier abord peut surprendre mais qui est conforme à la célébration de la rencontre foudroyante de deux réalités hétérogènes. D’un côté, on vénérera la personne et l’œuvre du marquis de Sade, son « cynisme sexuel à longue portée. » Les poupées de Bellmer, démembrées et recomposées ; l’œil d’une femme coupé au rasoir dans le film Un Chien andalou de Buñuel et Dali ; certains tableaux de Dali (La Rose sanglante) témoignent de ce véritable sadisme : Eros est agression. Cependant, d’un autre côté, les surréalistes célèbreront ce que Breton appelle « l’Amour fou » et Benjamin Péret « l’Amour sublime. » Il ne s’agit pas là d’amour platonique ou d’idylle bucolique. Breton le précise : « Amour, amour charnel, le seul qui soit. » Néanmoins, la passion unique, monogame, fulgurante est encensée. Ces deux pôles devraient, en bonne logique s’exclurent, se rejeter. Dans le surréalisme, ils fusionnent.
Le mouvement surréaliste revendiquait une liberté sexuelle en un temps, l’entre-deux guerres, où elle était plutôt mal vue. Il a, par ailleurs encensé la femme à un degré inconnu depuis le Romantisme allemand. Il faut cependant lire l’enquête sur la sexualité paru dans la Révolution surréaliste (n° 11 , 1928). On y trouve d’étranges failles : interrogé sur l’homosexualité, Breton refuse de discuter et se prépare à quitter la séance pour ne pas faire de « publicité à la pédérastie. » Le même, à propos de diverses positions érotiques[2], se voit demander s’il demande son avis à la femme. La réponse tombe : « Non. Vous parlez d’une complication ! » À l’inverse, un Queneau souligne que si deux personnes de même sexe s’aiment, ce n’est pas son problème et que la femme a son mot à dire dans l’étreinte. De semblables divergences soulignent les difficultés rencontrées par les surréalistes sur ce point. Leur grandeur est de s’y être confrontés avec une sincérité unique en leur temps.
Dans L’Homme révolté (1953) où il étrille sévèrement le surréalisme, Albert Camus loue cependant Breton pour la façon dont il a magnifié la femme et l’amour : « Dans la chiennerie de son temps, et ceci ne peut s’oublier, il est le seul à avoir profondément parlé de l’amour. » De fait, il y a, dans le surréalisme, une idéalisation absolue de la femme : qu’on lise, à cet égard, Arcane 17 de Breton. Selon lui, la « Femme », seule, est en mesure de révolutionner une société pourrie du fait des hommes. La Femme, la Fée, Mélusine apparaît dans ce texte superbe comme une sorte d’entité métaphysique, un être en-soi, bien loin de la pluralité des femmes réelles. Ce texte sublime est un rêve et le rêve constitue, pour les surréalistes, le fondement même de la révolution qu’ils espèrent promouvoir.
4) L’Onirisme
Toute la révolution surréaliste (y compris dans le domaine de l’amour) repose sur l’appel à l’Inconscient, à ce que nous ignorons en nous-mêmes et de nous-mêmes. On ne s’étonnera donc pas que le rêve soit au cœur de la démarche surréaliste. Il en est le cœur, l’âme, le moteur.
Dès 1924, dans Une Vague de rêve, Aragon résume brillamment toute l’activité surréaliste jusqu’à cette date. Les surréalistes ne sont certes pas les premiers à s’intéresser au rêve : le romantisme allemand (notamment chez Novalis), comme Gérard de Nerval, en France, ont déjà souligné l’importance majeure du continent onirique. Les surréalistes vont plus loin : le rêve est la clé qui permettra de délivrer l’homme de la triste condition qu’il subit. Le rêve est le levier qui permettra de subvertir la sinistre « civilisation » occidentale. La préface du premier numéro de La Révolution surréaliste énonce :
« Le procès de la connaissance n’étant plus à faire, l’intelligence n’entrant plus en ligne de compte, le rêve seul laisse à l’homme tous ses droits à la liberté. Grâce au rêve, la mort n’a plus de sens obscur et le sens de la vie devient indifférent. »
Allant plus loin, Antonin Artaud décrète :
« Tous ceux qui rêvent sans regretter leurs rêves, sans emporter dans ces plongées dans une inconscience féconde, un sentiment d’atroce nostalgie, sont des porcs. Le rêve est vrai. Tous les rêves sont vrais. »
Il ne s’agit pas là d’une simple adoration du rêve, de l’onirisme en lui-même. Dès 1922, les surréalistes tentent d’explorer le continent de l’Inconscient, seul susceptible de révéler des merveilles insoupçonnées. C’est l’époque dite des « Sommeils provoqués », du recours à l’hypnose. Les résultats s’avèrent probants sur le plan « poétique » mais l’expérience est dangereuse : sous hypnose, Benjamin Péret poursuit, armé d’un couteau de cuisine, Paul Eluard (ils se supportent au quotidien mais se détestent) ; René Crevel tente de se pendre avec sa cravate (il se pendra effectivement en 1935). Breton met fin à l’expérience.
Le rêve reste cependant le domaine de prédilection des surréalistes. Ils se confrontent donc à la psychanalyse et à Freud. Si l’admiration des surréalistes pour ce dernier ne s’est jamais démentie (jusqu’à la mort de Freud en 1940… et même après), il s’en faut de beaucoup que la compréhension mutuelle ait existé. Breton reprochera à Freud de n’être pas allé au bout de sa démarche et, en particulier, de n’avoir pas analysé ses propres rêves. Pour montrer que la démarche est possible, il la tente et en publie les résultats dans Les Vases communicants (1932). À la réception du livre, Freud répond, par trois lettres successives, qui dénotent toutes un embarras certain. L’agressivité retenue de la première[3] montre que Breton a touché juste. Les deux autres insistent sur ce qui oppose irréconciliablement psychanalyse et surréalisme : la psychanalyse se propose, par un travail « scientifique » de ramener le rêve à la rationalité, de l’expliquer, de le réduire. Les surréalistes ne nient pas la nécessité d’interpréter les rêves, non pour les réduire au rationnel, mais pour justement échapper à cette « logique » qui, aux yeux de Breton, est « la plus haïssable des prisons. »
La révolution surréaliste peut changer, à l’échelle individuelle, la façon de voir le monde et d’y vivre. Toutefois, l’écriture automatique ou l’exploration du rêve ne sauraient suffire à transformer une civilisation entière. Il y faut d’autres moyens : rien moins que la révolution sociale !
II) DE LA RÉVOLTE À LA RÉVOLUTION
1) La révolte absolue
La révolte originelle des surréalistes est fondamentalement viscérale. Elle n’est même pas « anarchiste » en ce qu’elle ne se réfère à aucun choix philosophique ou politique. Elle tient, selon Breton, « de l’insoumission totale, du sabotage en règle. » Il reste là le souvenir profond des horreurs et du crétinisme patriotique de la guerre de 14-18. De tout ce qu’un esprit humain digne de ce nom ne peut que refuser.
En 1924, à l’occasion de la mort d’Anatole France, écrivain unanimement salué, un pamphlet, intitulé Un Cadavre, s’en prend violemment au défunt. Breton entend le gifler (« Avez-vous déjà giflé un mort ? ») ; Aragon parle d’une « immondice humaine » et attaque ses admirateurs : « le tapir Maurras et Moscou la gâteuse.[4] » La violence des premières proclamations surréalistes fait feu de tout bois : « Ouvrez les prisons ! Licenciez l’armée ! » Les Universitaires, le Pape et son Église, les psychiatres, les hommes politiques, les écrivains en vue (Paul Claudel, par exemple) sont pris à parti avec la dernière virulence. Breton peut écrire alors :
« L’acte surréaliste le plus simple consiste, revolvers au poings, à descendre dans la rue et à tirer au hasard, tant que l’on peut dans la foule. Qui n’a pas eu, au moins une fois, envie d’en finir de la sorte avec le petit système d’avilissement et de crétinisation en vigueur a sa place toute marquée dans cette foule, ventre à hauteur du canon. »
On a souvent commenté cette phrase, comme Albert Camus écrivant que Breton devait regretter de l’avoir écrite. C’est mal la comprendre : Breton ne prône pas une conduite, n’appelle pas à commettre « l’acte surréaliste le plus simple. » Il souligne seulement que tout le surréalisme repose d’abord sur le rejet absolu et violent d’une certaine « civilisation » oppressive, développant la bêtise plus qu’elle ne la limite… inhumaine, pour tout dire.
Dans le surréalisme, la violence n’a pas été purement verbale[5]. On peut le regretter mais si l’on se réfère au contexte culturel et politique de l’entre-deux guerres, on remarquera que la violence des textes et des actes est courante : en 1930, la salle de cinéma où est projeté L’Âge d’or, de Buñuel et Dali, est incendiée par des groupes fascistes (au sens propre ou sale, au choix). Des tableaux ornant le hall de la salle sont tailladés et détruits. Il n’y aura aucune poursuite judiciaire. Le film sera interdit de 1930 à 1981 sur les écrans publics[6]. On comprend mieux qu’en certaines circonstances, les surréalistes aient dû recourir à des moyens extrêmes, physiques au besoin.
La haine que leur vouent les « Institutions » les conduit à se révolter contre la guerre du Rif (1925)[7], contre l’exposition coloniale de 1931 où l’on montrait des « indigènes des colonies » comme dans un zoo, contre le bagne de Poulo-Condor (Indochine). La lecture du Lénine, écrit par Trotski, pousse Breton à se passionner – avec beaucoup de retard et alors que la machine bureaucratique de Staline est déjà bien installée – pour la révolution russe de 1917. Il se rapproche alors du parti communiste (SFIC[8]) auquel il adhère, en 1927, en compagnie d’Aragon, d’Eluard, de Benjamin Péret et de nombreux autres surréalistes. Ce tournant dans le surréalisme est marqué par la création d’une nouvelle revue : le Surréalisme au service de la Révolution (1930 ).
Cet engagement en faveur de la révolution communiste provoque une double scission. Des poètes comme Antonin Artaud, Philippe Soupault, Robert Desnos reprochent à Breton et aux siens d’abandonner la révolution proprement spirituelle qui, jusque-là, était au cœur du projet surréaliste. De l’autre, Pierre Naville[9] les invite à laisser tomber le surréalisme pour n’adhérer plus qu’au marxisme-léninisme et se consacrer à la révolution prolétarienne. Breton ne cède ni d’un côté ni de l’autre. Il tente de concilier la démarche proprement surréaliste et la visée d’une révolution sociale. Pour s’entendre, il faut être deux ! Les relations de Breton avec le PCF seront difficiles dès le départ et ne cesseront de s’envenimer.
À plusieurs reprises, il est convoqué devant les « responsables culturels » du parti et sommé de justifier le contenu de la revue qu’il dirige. On lui présente ainsi une reproduction de Picasso en lui demandant dans quel sens « ça » se regarde. Un texte de Salvador Dali, évoquant une rêverie érotique, met ses censeurs en fureur. Le reste à l’avenant… Breton est encore plus sévèrement attaqué quand il publie la lettre d’un lecteur, le philosophe Ferdinand Alquié, dénonçant (à propos d’un film soviétique intitulé Le Sens de la vie) « le vent de crétinisation qui souffle sur l’URSS » stalinienne. Breton découvre alors le sort fait à Trotski, qu’il admire, à l’instar de Lénine. Il est exclu du parti communiste en 1933. Benjamin Péret le suit. Tous deux se rapprochent de Trotski. Aragon et Eluard demeurent au PCF dont ils deviendront les poètes officiels : cela permettra la création de géniales « Odes à Staline » et autres textes édifiants.
En 1938, Breton rend visite à Trotski, alors exilé au Mexique. De leurs nombreuses conversations naît un manifeste proclamant l’indépendance de l’Art par rapport à toute démarche politique. Breton écrit : « Toute licence en art, sauf contre la révolution prolétarienne. » C’est, curieusement, Trotski qui supprime la restriction ! Dans le droit fil de cette visite, les surréalistes prennent parti dans la guerre d’Espagne, en faveur du POUM, de la FAI et de la CNT[10] qui tentent de transformer, en Aragon et en Catalogne, la guerre contre le fascisme en une révolution prolétarienne. Un seul surréaliste combattra les armes à la main : l’intraitable Benjamin Péret.
Trotski est assassiné en 1940, alors que la guerre déferle sur l’Europe. De son exil new-yorkais, Breton réfléchit à l’impossible union du marxisme-léninisme et du surréalisme : le compagnonnage avec un parti résolu à soumettre toute création intellectuelle ou artistique aux impératifs de sa stratégie politique est impossible. Il renonce au marxisme mais restera, jusqu’à sa mort, fidèle à la personne de Trotski, sinon à ses idées. Le seul surréaliste qui ait adhéré à la IVe Internationale (Benjamin Péret) la quittera, pendant la guerre, en compagnie de Nathalia Sedova, l’épouse de Trotski.
5) L’après-guerre
Après 1945, les surréalistes se trouvent, en France, dans un paysage politique et intellectuel dominé par le parti communiste et ses « compagnons de route », souvent mal récompensés de leur servitude volontaire (Sartre !). En de nombreuses circonstances, le groupe surréaliste prendra des positions courageuses, voire risquées : Ils sont presque les seuls à dénoncer les procès staliniens de Prague (1950). Breton est l’un des tout premiers signataires du Manifeste des 121 qui défend le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie. En 1956, il soutiennent la révolution hongroise. Ces prises de position allaient de soi, pour eux, mais se trouvaient toujours à l’encontre de l’opinion majoritaire. C’est pourquoi, après une brève collaboration avec le mouvement des « Citoyens du Monde », initié par l’Américain Garry Davis, ils se rapprochent de la Fédération anarchiste. Ils publient régulièrement des billets dans Le Libertaire, organe de la FA, dont le secrétaire de rédaction s’appelle Georges Brassens.
Il s’agit là d’un rapprochement électif, « sentimental » et non d’une adhésion à l’une des nombreuses doctrines libertaires. Les noms de Bakounine ou de Kropotkine ne figurent guère dans les publications surréalistes. Les préoccupations qui s’y dessinent sont plutôt « a-politiques », tournées vers l’alchimie, l’ésotérisme, les « sciences » occultes mais aussi l’art de l’Océanie ou des Indiens Hopis. Hormis l’intérêt propre de ces recherches et de ces découvertes, il faut y lire d’abord une position de repli par rapport au combat politique, si ce n’est, dans l’immédiat, un renoncement à l’idée de « révolution », même surréaliste.
Dans son livre : Position politique du surréalisme (1935), Breton proclamait :
« Changer la vie » a dit Rimbaud ; « Transformer le monde » a dit Marx : pour nous, ces deux mots d’ordre n’en font qu’un.
Force est de constater un divorce entre des positions « culturelles » (philosophiques, littéraires, artistiques…) et celles d’une « avant-garde » politique auto-proclamée. Force est de constater que « Changer la vie » et « Transformer le monde » ne vont pas nécessairement de pair. Entre Marx et Rimbaud, il faut choisir ! Ou changer de références. Faute de l’avoir fait, le surréalisme est mort, en tant que mouvement constitué, en 1969.
III) BILAN ET PERSPECTIVES
1) le surréalisme mis à mort
On étudie aujourd’hui, dans les lycées et les universités, les textes de Breton, d’Aragon, D’Eluard, de Desnos (et de tant d’autres). Une tentative de révolution de la sensibilité et du mental est ainsi tuée : on capture le papillon surréaliste vivant et on l’épingle, très mort, sur le bouchon de la culture. Dès 1929, René Daumal, poète et animateur de la revue Le Grand Jeu, s’adressait ainsi à André Breton :
« Prenez garde, André Breton, de figurer plus tard dans les manuels d’histoire littéraire, alors que si nous briguions quelque honneur, ce serait d’être inscrits pour la postérité dans l’histoire des cataclysmes. »
De fait, le surréalisme figure dans les programmes scolaires[11], donne lieu à de multiples expositions, à des thèses de doctorat… Il est empaillé et sa révolte essentielle, oubliée. Il ne s’agit plus de révolution, de transformation radicale d’une civilisation, mais de gloser (parfois, d’ailleurs, de façon intéressante) sur des textes et des œuvres.
2) Apothéose
La révolution surréaliste aura connu son apothéose en mai-juin 1968, notamment dans le mouvement spontané initié par les étudiants. Nombre des graffitis alors apposés sur les murs avaient une tonalité clairement surréaliste : « L’Imagination au pouvoir » ; « Prenez vos désirs pour des réalités »… Beaucoup de ces graffitis (en particulier à Paris, Lyon et Nantes) étaient des citations : André Breton l’emportait, haut la main, sur Karl Marx et Michel Bakounine. Une partie de la jeunesse s’est alors reconnue dans le surréalisme et dans sa volonté de changer non la société mais de société.
En juin 1968, un numéro de la dernière revue surréaliste, L’Archibras, est interdit à la vente pour « atteinte à la sûreté de l’État. » Le groupe surréaliste se dissout l’année suivante. Un article dans Le Monde explique cette dissolution en faisant la différence entre un « surréalisme historique » et un « surréalisme éternel. » La révolution surréaliste est morte. Définitivement ?
Certes oui ! Il n’existe plus nulle part de gens se réclamant du surréalisme. Cependant, Breton lui-même avait saisi les limites de l’immense entreprise à laquelle il s’est consacré. Dans les Prolégomènes à un troisième manifeste du surréalisme ou non (1942), il écrit ceci, qui mérite d’être cité in extenso :
Il reste, par ailleurs, qu’au bout de vingt ans je me vois dans l’obligation, comme à l’heure de ma jeunesse, de me prononcer contre tout conformisme et de viser, en disant cela, un trop certain conformisme surréaliste aussi. Trop de tableaux, en particulier, se parent aujourd’hui dans le monde de ce qui n’a rien coûté aux innombrables suiveurs de Chirico, de Picasso, d’Ernst, de Masson, de Miro, de Tanguy – demain ce sera de Matta – à ceux qui ignorent qu’il n’est pas de grande expédition, en art, qui ne s’entreprenne au péril de la vie, que la route à suivre n’est, de toute évidence, pas celle qui est bordée de garde-fous et que chaque artiste doit reprendre seul la poursuite de la Toison d’or.
Plus que jamais, en 1942, l’opposition demande à être fortifiée dans son principe. Toutes les idées qui triomphent courent à leur perte. Il faut absolument convaincre l’homme qu’une fois acquis le consentement général sur un sujet, la résistance individuelle est la seule clé de la prison. Mais cette résistance doit être informée et subtile. Je contredirai d’instinct au vote unanime de toute assemblée qui ne se proposera pas elle-même de contredire au vote d’une assemblée plus nombreuse mais, du même instinct, je donnerai ma voix à ceux qui montent avec tout programme neuf tendant à la plus grande émancipation de l’homme et n’ayant pas subi encore l’épreuve des faits. Considérant le processus historique où il est bien entendu que la vérité ne se montre que pour rire sous cape, jamais saisie, je me prononce du moins pour cette minorité sans cesse renouvelable et agissant comme levier : ma plus grande ambition serait d’en laisser le sens théorique indéfiniment transmissible après moi.
Breton se montre ici conscient des limites, déjà atteintes, de l’entreprise surréaliste. Il en appelle à de nouveaux mouvements, à de nouvelles individualités, à une révolte « toujours renouvelable » contre le système, l’ordre, la société qui nous dominent.
3) Et après ?
Un ami, qui est un poète français des plus importants, me disait que la révolution surréaliste n’a guère transformé que la publicité. Je reste dubitatif. Le mot est faible.
Le surréalisme a, de fait, pour bien des personnes, modifié leur rapport au monde ou, si on peut encore le dire, au réel. Qu’est-ce qui est effectivement réel ? Personnellement je n’en sais rien (hormis les nombreux détails de la vie quotidienne). On retombe là sur un des premiers textes de Breton : Discours sur le peu de réalité. Le choc des émotions, des hasards, des rencontres inattendues est bien vécu, bien ébranlant. Le surréalisme mort s’est dilué, est partout, jusque dans les plus minables (et ce n’est pas peu dire) des séries télévisées.
La grandeur du surréalisme est d’avoir posé (parfois mal) des problèmes qui subsistent :
a) Que suis-je quand je rêve, quand je m’échappe, quand je fantasme ? Y-a-t-il vraiment un « je , un « Ego » qui pilote effectivement ma vie ? Ou autre chose ?
b) Il existe – hors de moi, indépendamment de moi – un monde sensible. Dans quelle mesure, exacte si possible, puis-je être certain de me laisser aller à ce monde inconnu ? L’honneur du surréalisme est de s’y être laissé porter.
c) Le monde dans lequel nous faisons semblant de vivre (nous mimons la « Vraie Vie » que chantait Rimbaud) ne mérite pas un regard, pas une « évaluation », comme on dit maintenant. Il subsiste, cependant. Du hasard, de l’Amour, du rêve, il n’y aurait plus rien à dire ?
d) La société dans laquelle nous survivons est aussi invivable qu’en 1924. Que faire ?
La finalité propre au surréalisme aura été le dépassement de l’art comme activité séparée de la vie quotidienne. L’échec de l’entreprise est grandiose et laisse de fort belles ruines (les « œuvres »). C’est néanmoins un échec. Il est impossible de reprendre, dans sa première fraîcheur et sa naïveté, l’entreprise surréaliste. Les exigences vitales, morales et esthétiques qui l’ont permise sont toutefois vivantes. La « Liberté, couleur d’homme » dont parlait Breton ne semble pas, elle, passée de mode.
CONCLUSION QUE J’ESPÈRE PROVISOIRE
J’ai eu le plus grand mal à organiser et rédiger le texte de cette conférence. Ce n’était pas faute de matière mais en raison du trop-plein. Avec bien des remords, j’ai dû élaguer, m’interdire des écarts, renoncer aux noms d’artistes qui m’importent beaucoup, m’abstenir d’aborder certains sujets. Qu’on me permette d’en évoquer trois.
1) L’art : je l’ai laissé de côté parce que, s’il y a bien des artistes qui se sont réclamés du surréalisme, il ne peut y avoir d’art surréaliste : l’art (en tant qu’activité séparée de la vie) doit être dépassé). Il y a, en revanche un regard surréaliste sur l’art, parfaitement exprimé dans le livre de Breton : L’Art magique. Ce n’est pas du tout un hasard si Breton intitule son grand livre sur les peintres qu’il aime non « la peinture surréaliste », mais Le Surréalisme et la peinture. Cela aurait mérité une conférence à soi-seul.
2) La valorisation passionnelle et passionnée de ce que nous appelons, aujourd’hui, les « Arts premiers » (expression fausse sur le plan scientifique et exécrable sur le plan moral). Les cubistes et Guillaume Apollinaire avaient découvert, stupéfiés, « l’art nègre. » On doit aux surréalistes la première connaissance (reconnaissance) des arts océaniens, amérindiens du Nord, inuit, celte. Ce n’est pas tout à fait rien.
3) Si le surréalisme n’a pas oublié ceux que l’on nomme « les Sauvages », il n’a pas non plus négligé nos « sauvages » indigènes qu’on appelle les « fous. » Dès ses origines, le surréalisme s’est interrogé : qu’est-ce qui distingue un prétendu « fou » d’une personne prétendument « normale » ? Où est l’écart ? Breton et Eluard l’ont démontré de façon décisive en rédigeant les textes de L’Immaculée conception où ils imitent, sciemment, des discours dits « pathologiques » (paranoïa, schizophrénie, démence précoce…). La finalité de ce travail est de montrer que la frontière entre la « santé mentale » et la « folie » est bien difficile à tracer. La nouvelle loi sur le traitement des « malades mentaux » montre le refus absolu, dans notre société, de poser ce problème d’un point de vue humain (et qui donc nous concerne tous) : foin des nuances ! Sarkozy ou Guéant sont normaux ; Artaud, Nerval ou Van Gogh sont fous. Cela se constate aisément si l’on considère ce que les uns et les autres ont apporté à la civilisation, à une meilleure connaissance de la condition humaine et à l’émancipation du genre humain.
À mon grand regret, j’ai dû choisir de ne pas aborder ces trois questions.
Michel CARROUGES : André Breton et les données fondamentales du surréalisme.
André BRETON : Manifestes du surréalisme (surtout le premier, celui de 1924)
La « trilogie » : Nadja, Les Vases communicants, L’Amour fou.
Position politique du surréalisme.
Anicet ou le Panorama.
[1] La lecture des manuscrits (consultés en fac-similé) montre que l’exigence : « sans rature ni corrections », n’a pas toujours été respectée… Bien qu’elle fut pour l’essentiel.
[3] Freud y pinaille, de façon infantile, sur la bibliographie de Breton. Il estime que ce dernier lui reproche à tort d’avoir oublié des précurseurs comme Myers.
[4] Charle Maurras était le dirigeant de l’Action française, mouvement royaliste et antisémite. « Moscou la gâteuse » désigne la Russie bolchévique et demeure une expression savoureuse dans la bouche d’Aragon qui, huit ans plus tard (en 1932), deviendra l’écrivain officiel du stalinisme en France.
[5] Gifles, coups de poings, rixes ont été fréquents. La carrure de Breton lui permettait, à l’endroit de ses insulteurs ou de ses ennemis, une expression poétique pour le moins bien frappée.
[6] Lorsque j’étais professeur, il m’est arrivé, à propos du surréalisme, de faire regarder à mes élèves L’Âge d’or. C’était une gageure, face à un public blasé et saturé par les images. Pourtant, certaines scènes du film (l’un des tout premiers films « parlants ») arrachaient systématiquement des cris : de douleur, d’incompréhension, de fascination. De leur point de vue coercitif, les autorités de 1930 ont eu bien raison d’interdire ce film.
[7] Le Rif est une région montagneuse du nord du Maroc. Dans les années 1920, s’y déroula une insurrection anti-colonialiste, dirigée par Abd-El-Krim, qui fut écrasée par l’armée française. Cette « guerre du Rif » est aujourd’hui oubliée, même dans les manuels d’histoire à l’usage des lycées.
[8] Section française de l’Internationale communiste.
[9] Naville sera, plus tard, secrétaire de Trotski.
[10] Respectivement : Parti ouvrier d’unification marxiste (extrême gauche anti-stalinienne mais non trotskiste) ; Fédération anarchiste ibérique ; Confédération nationale du Travail (anarcho-syndicaliste).
[11] Les poètes du Grand Jeu (René Daumal, Roger Gilbert-Lecomte…) n’y figurent toujours pas. Trop « cataclysmiques » ! Trop inassimilables !